Sizdah Bedar est une fête ayant lieu le treizième jour du premier mois du calendrier perse (Farvardin). Elle se fête chaque année en Iran et dans les pays influencés par la culture persane. Cette date correspond au dernier jour des cérémonies de Nouvel An ou Norouz. Sizdah Bedar en est l’ultime fête traditionnelle. Les Iraniens quittent leur maison ce jour-là et ils partent la célébrer à l’air libre. Ils passent toute la journée dehors, du matin au soir. Ils pique-niquent et souvent ils dansent et écoutent de la musique.
Sizdah Bedar est l’une des plus célèbres traditions attachées à Norouz. Pourtant, il est difficile d’en trouver des traces dans les anciennes sources historiques. Les plus anciens documents écrits qui se rapportent directement à la tradition de Sizdah Bedar datent de l’époque des Qadjar. A cette période (18e et 19e siècle) elle s’organisait de façon collective, avec un maximum de splendeur. Etant Toujours en vigueur jusqu’à nos jours, les Iraniens, chaque année la célébrent. Comme si, Sizdah Bedar fait partie intégrante des coutumes de Norouz. Dans cet écrit, nous allons présenter un historique de Sizdah Bedar et les traditions courantes qui s’y rattachent.
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La cérémonie de Norouz est la plus importante et la plus célèbre fête iranienne. Selon les documents historiques, l’organisation de la célébration de Sizdah Bedar et les coutumes la concernant remontent à l’époque achéménide. Différentes sources persanes et arabes parlent de façon détaillée des cérémonies de Norouz. Selon ses sources historiques, ses diverses traditions en Iran durant l’antiquité et l’époque islamique.
L’un des très célèbres rites collectifs de Norouz a lieu le 13 Farvardin ou Sizdah Bedar. Malgré sa notoriété et sa généralité et contrairement aux études détaillées concernant Norouz, il n’existe aucune recherche complète à propos de ce jour de Sizdah Bedar.
La première question qui se pose concerne l’historique de cette fameuse coutume. Depuis quand les Iraniens ont-ils commencé à fêter le 13e jour de la nouvelle année ?
Les recherches dans plusieurs sources historiques écrites montrent qu’il n’y a aucune mention de de Sizdah Bedar avant l’époque qadjar. Mais l’étude des sources de l’époque qadjar prouve clairement que Sizdah Bedar n’a pas été introduit sous leur règne. Donc il s’agit d’une ancienne coutume.
D’ailleurs, aucune de ces sources ne décrit les origines historiques de Sizdah Bedar. En fait, ce sont les recherches actuelles qui se penchent sur cette question. Des efforts des savants contemporains, ne donnent comme résultats, dans la plupart des cas, que de simples suppositions ou hypothèses.
Ci-dessous, nous essaierons, dans la mesure du possible, de présenter un parcours ordonné et historique de l’histoire écrite de la tradition iranienne de Sizdah Bedar.
Comme nous l’avons déjà dit, les anciens textes persans ne parlent pas directement de Sizdah Bedar. Mais dans deux très importants textes persans écrits au 10e siècle, on peut relever d’intéressantes allusions et signes le concernant.
Dans l’histoire de Khosrow Parviz et Barbod dans le Shah Nameh ou « Livre des Rois », le poète Ferdowsi parle du jardin de Khosrow. Il mentionne que le roi y organisait les cérémonies de Norouz pendant deux semaines. Cette information nous éclaire sur deux points. Premièrement, la durée des festivités et deuxièmement, le fait que ces deux semaines de fêtes se déroulaient dans le jardin. Ensuite, à la fin des cérémonies, le souverain réintégrait son palais le quatorzième jour. Alors, il commençait à s’occuper des affaires de l’état.
La fête de Sizdah Bedar correspond au treizième jour du mois de Farvardin, le premier mois de l’année. L’origine de cette tradition demeure pour les chercheurs et les historiens encore. Cqr inconnue les plus anciennes mentions se retrouvent dans des documents qadjars au 18ème siècle
Il est donc évident que la fête contemporaine de Norouz et celle des Sassanides se ressemblent. Aujourd’hui aussi, les cérémonies durent deux semaines et finissent officiellement après l’organisation de Sizdah Bedar. Ferdowsi n’a certes pas cité le nom de Sizdah Bedar. Mais le fait que le roi passe les jours festifs de Norouz dans le jardin et retourne le 14 dans son palais est une intéressante corrélation historique qui se réfère à Sizdah Bedar.
Un autre exemple est le poème de Vis et Ramin, écrit au 10e siècle mais d’origine parthe. Le poète y décrit une fête collective à l’occasion de Norouz. Pendant ce jour-là, le roi et tous les gens passent joyeusement leurs journées dehors jusqu’au soir.
Ce texte ne parle pas non plus de Sizdah Bedar, mais du moment où a lieu cette fête, c’est-à-dire au printemps. Ensuite, on trouve le fait que tous les gens se rassemblent en plein air dans la joie pour danser. Donc, ceci ressemble tout à fait à la tradition de Sizdah Bedar.
Sous le règne des Safavides, au 16e et 17e siècle, les touristes occidentaux commencèrent à régulièrement voyager en Iran. Même s’il y avait des Européens qui avaient visité l’Iran et relaté leur voyage avant l’époque safavide. Par exemple, Marco Polo, célèbre voyageur italien, avait voyagé deux siècles auparavant, durant le règne des Mongols en Iran. Nous pouvons toujours lire son précieux carnet de voyage. Mais la présence constante et organisée des Européens et l’écriture de leurs rapports cohérents ont commencé sous les Safavides.
Leurs écrits et rapports particulièrement précis et détaillés concernant les événements, les traditions et les coutumes sociales des Iraniens, en font des textes de référence pour étudier l’histoire sociale de l’Iran.
Des Européens visitant l’Iran à l’époque safavide, nous donne des descriptions détaillées de Norouz et de ses différentes coutumes. Mais il est étonnant que ces écrits ne fassent presque aucune allusion à Sizdah Bedar.
A titre d’exemple, nous pouvons citer Pietro Della Valle, aventurier et explorateur italien. Il voyagea plusieurs fois en Iran à l’époque de Shah Abbas le Grand. Dans son carnet de voyage, il présente un rapport complet sur Norouz. Il décrit Norouz et ses traditions et ce qui se passe à cette période dans la ville d’Ispahan. De plus, sans mentionner Sizdah Bedar, il y fait allusion à une journée de pique-nique. Il écrit : « A Norouz, chacun choisit souvent un jour pour pique-niquer en famille. »
A partir du 16ème siècle, de nombreux touristes européens voyagèrent en Iran. Ils témoignèrent dans leurs récits de la tradition de Norouz, comme par exemple Pietro Della Valle ou Jean Chardin. Cependant, aucun ne mentionne explicitement le jour de Sizdah Bedar.
Le Français Jean Chardin est un autre exemple. Il passa un assez long temps en Iran à l’époque de Shah Abbas II. Dans son précieux récit de voyage, il précise que les cérémonies de Norouz durent huit jours. Comme Della Valle, il écrit : « Pendant les huit jours de fête, les gens vont dans les parcs et les jardins à la périphérie des villes pour se distraire. »
Engelbert Kaempfer, médecin et naturaliste allemand a voyagé en Iran pendant les années du règne de Shah Suleyman safavide. Il écrit : « Parfois, les cérémonies de Norouz durent même jusqu’à trois semaines ». Mais il ne fait aucune allusion au 13 Farvardin et à ses rites spécifiques.
Parmi les carnets de l’époque safavide mentionnant Norouz, le journal de Sir Thomas Herbert, historien anglais, nous semble très intéressant. Il avait passé deux ans à Ispahan pendant le règne de Shah Abbas le Grand. Il écrit : « Contrairement aux autres jours de l’année, les femmes, dévoilées, se promenaient librement et joyeusement dans la ville durant les 12 jours de Norouz. » Certes, Herbert parle des douze jours de fête à l’occasion de Norouz. Mais, comme les autres touristes européens, il ne parle pas non plus de Sizdah Bedar.
Nous ne pouvons donc que constater l’absence de référence à Sizdah Bedar dans les carnets de voyage et leurs rapports.
L’époque safavide coïncidait avec le retour de l’union territoriale et la création d’un gouvernement national et indépendant en Iran. Ceci explique la renaissance des coutumes et des traditions nationales et antiques de l’Iran. Il s’agissait de leur propagation dans la société, en particulier l’organisation somptueuse des cérémonies de Norouz.
Par conséquent, les chercheurs s’attendaient, pour le moins, à trouver des descriptions détaillées des coutumes et des traditions de Norouz. Mais même, les textes gouvernementaux officiels ne font aucune allusion à Sizdah Bedar.
Par exemple, le mollah Mozafar-e Gonabadi, s’est connu comme un célèbre astrologue de la Cour de Shah Abbas le Grand. Il fit une liste de toutes les cérémonies et fêtes nationales des Iraniens dans un traité et les décrit. Il cite, bien sûr, Norouz et ses coutumes de façon détaillée, mais il ne mentionne pas Sizdah Bedar.
Or, ce qui est intéressant, c’est qu’outre les textes iraniens, les écrits des pays proches de l’Iran et influencés par la culture persane sont aussi vides du moindre signe concernant Sizdah Bedar.
Ainsi, nous pouvons citer le livre « Gulbadan-Nameh » écrit au 16e siècle par la Bégum Gulbadan, une princesse indienne. Elle a écrit cet ouvrage sous le règne des Mongols en Inde, simultanément au règne des Safavides en Iran. Il s’agit de l’époque de l’apogée de l’influence de la culture iranienne sur l’Inde. Elle décrit ainsi Norouz en Inde : « A Norouz, on était en fête 18 jours et on s’habillait en vert. On ordonnait à 40 filles de porter des habits verts, d’aller sur la montagne de Dadarane et puis, tout se passait dans la joie et la liberté. »
Bien que la princesse indienne explique que des jeunes filles se rendaient sur la montagne, elle ne mentionne ni la présence collective des gens dans la nature, ni Sizdah Bedar. Cette source montre que premièrement, les cérémonies de Norouz duraient 18 jours en Inde. Deuxièmement, que Sizdah Bedar n’avaient pas d’importance.
L’Anglais James Morier qui travaillait de 1809 à 1815 à l’ambassade d’Angleterre en Iran, parle la première fois de la malchance du Sizdah Bedar. Selon ses récits, la malchance se considère comme la raison de l’organisation de la cérémonie de Sizdah Bedar.
Morier écrit : « Les Iraniens considèrent le 13 Farvardin comme un jour très maléfique ». Ils ne restent donc pas à la maison et vont dans la nature pour que rien ne les dérange. En effet, ils pensent que si ce jour-là, ils se disputent avec quelqu’un, ils seront malheureux et se disputeront jusqu’à la fin de l’année. »
La cérémonie du Sizdah Bedarest pour la première fois citée clairement dans les textes de l’époque qadjar. Le premier livre qui cite cette date du 13 Farvardin remonte au règne de Fath-Ali Shah. Il s’agit d’un ouvrage « Histoire d’Azodi » écrit par son enfant. Il écrit que le 13 Farvardin de chaque année, tous les gens du Harem se rassemblaient dans le jardin royal[m1] . Ils ouvraient les paquets disposés sur la nappe de Norouz, faisaient la fête et dansaient.
Bien que l’époque des Safavides met en avant les cérémonies et traditions iraniennes, notamment Norouz, la coutume de Sizdah Bedar n’est pas mentionnée. Existante pourtant aussi en Inde, elle sera citée pour la première fois dans les textes à l’époque qadjare.
Les écrits concernant la tradition de Sizdah Bedar se multiplie à l’époque de Nasseredin Shah. Cette coutume s’est citée alors dans les rapports des Européens. D’autre part également à maintes fois elle se mentionne dans les souvenirs du roi lui-même. Nous pouvons par exemple citer un texte du docteur Eduard Polak, médecin autrichien de Nasseredin Shah. Il écrit : « Le 13e jour, c’est-à-dire le dernier jour de Norouz arrive finalement. »
Selon une ancienne croyance, les Iraniens sont d’avis que ce jour-là, toutes les maisons sont exposées à la destruction. C’est pourquoi tout le monde quitte la ville et va dans les jardins à l’extérieur.
Dans un document rédigé par un prince, Sizdah Bedar se considérait comme un jour de loisirs pour tous les Iraniens. Ainsi, tous les gens sortent des maisons et vont dans les jardins, les bois et les forêts.
Le point intéressant de ces divers écrits est que tous parlent d’une ancienne coutume qui remonterait apparemment à plusieurs siècles. Mais comme nous l’avons précédemment écrit, jusqu’au 18e siècle, il n’y a aucun document concernant la tradition de Sizdah Bedar.
L’accueil enthousiaste et l’adoption générale de Sizdah Bedar dans l’Iran de l’époque qadjar atteste sa longue ancienneté. Mais il nous reste une question. Pourquoi n’est-il fait allusion à cette fête dans aucun ancien document historique ? De nombreux chercheurs essayent encore actuellement d’y répondre.
Comme nous l’avons remarqué dans les écrits qadjar, les Iraniens croyaient que Sizdah Bedar se considérait un jour néfaste. C’est pourquoi ils quittaient leur maison et allaient dans la nature. Par conséquent, il nous semble nécessaire de se pencher sur une autre croyance. Celle-ci est liée généralement relative à la malédiction au nombre 13 et au 13e jour du mois. D’où,avant d’étudier la philosophie de l’existence de la tradition de Sizdah Bedar, il faut étudier la malédiction du chiffre 13.
Al-Biruni, célèbre érudit iranien, a présenté un tableau des bons et mauvais jours dans les croyances populaires des Iraniens. Il considérait le treizième jour du mois de Tir, appelé jour de Tir comme un jour mauvais et funeste. Il l’a présenté selon les croyances persanes.
Certes, il faut noter qu’attribuer un pouvoir maléfique au nombre 13 n’est pas propre aux Iraniens. Mais cette croyance est également répandue chez de nombreux autres peuples et nations. Par exemple, la Rome antique, on considérait comme néfaste le 13e jour du 8e mois de chaque année.
Bien qu’aucune trace écrite antérieure au 19ème siècle concernant la tradition de Sizdah Bedar ne nous soit parvenue, il existe des documents expliquant que ce jour est depuis fort longtemps considéré comme un jour de malchance en Iran.
Il y a différentes suppositions concernant cette croyance antique à propos du nombre 13 et du 13e jour du mois. Par exemple, on dit qu’en l’Egypte ancienne, un tremblement de terre eut lieu le 13e jour du mois de Thot. Ceci anéantit des milliers d’hommes et de bestiaux. Selon la tradition chrétienne, 13 personnes ont assisté le Jeudi-Saint au dernier repas du Christ ou Cène. Or la treizième le trahit et Jésus fut crucifié. Dans l’astrologie antique, il y avait 12 constellations zodiacales qui, chacune, se trouvait à côté du soleil chaque mois. Cette dernière se trouve à l’origine possible de la malchance attribuée au nombre 13 dans la culture iranienne. Ainsi, les Iraniens pensaient que ces douze constellations déterminaient le destin des hommes. Donc, le nombre suivant, se considérait comme un chiffre néfaste.
Outre la malchance attachée au nombre 13, croyance populaire largement répandue, une question nous se pose. Pourquoi Sizdah Bedar a-t-il lieu le 13 Farvardin et non le 13 d’un autre mois ? Comme nous l’avons déjà dit, nous ne possédons aucun document historique à ce sujet. Par suite, nos informations sont limitées aux textes de l’époque qadjar et aux hypothèses des chercheurs contemporains.
Un récit qui date de la deuxième moitié du 19e siècle nous donne une explication ancienne relative à Sizdah Bedar. Ce docteur Autrichien a rédigé ce récit. Selon lui, les Iraniens supposaient que le 13 Farvardin, toutes les maisons étaient exposées à l’anéantissement. C’est pourquoi ils quittaient leur maison et allaient dans les plaines.
Un autre récit de la même époque, nous apporte une autre explication. Selon ce texte, il y a un avis commun chez tout le monde. Cet avis insiste sur la détermination et la répartition des malheurs et des catastrophes de Norouz à cette date. Par conséquent, chacun sortait de chez lui et de la ville pour se rendre dans la nature. Ils voulaient se faire être oublié sur la liste des malheurs.
Il y a également un autre intéressant récit de la fin de l’époque qadjar. Il parle des croyances populaires mêlées aux croyances religieuses chiites. Selon ce texte, les Téhéranais pensaient que Dieu avait décidé qu’il y aurait 12 mois par année et 12 imams. Par conséquent, le nombre suivant était néfaste. Ce qui explique le fait que tout le monde sortait de chez soi le treizième jour du premier mois de chaque année. Cela se faisait afin d’empêcher que le malheur n’y pénètre.
Les nouvelles études à propos de la tradition iranienne de Sizdah Bedar cherchent l’origine d’ailleurs. Des chercheurs s’intéressant à l’histoire culturelle, des mythologues et des anthropologues composent principalement ce groupe. Leurs théories abordent des suppositions et les rares corrélations historiques. Dans ce qui suit, nous allons citer les plus célèbres.
Certains savants disent que selon les Aryens, il y avait 12 colonnes qui supportaient le monde. Ensuite, les forces diaboliques pendant l’année les avaient rongées. Pendant les 12 premiers jours de chaque année, elles se réparent. Alors, le 13e jour (Sizdah Bedar), les esprits impurs vaincus disparaissaient sous terre. Par conséquent, le jour du 13 Farvardin se considère comme le jour de fête où le monde se sauve. Selon cette hypothèse, Sizdah Bedar évidement ne peut pas être un jour néfaste. Au contraire, un jour sacré qui commémore la victoire des forces angéliques sur le diable.
La deuxième théorie semble un peu à la première. D’après les mythes iraniens, l’âge du monde se compte de 12 000 ans. A la fin du 12e et au début du 13e millénaire, Ahura-Mazda gagna définitivement contre le diable. Par conséquent, le début du 13e millénaire coïncidait avec le début de la vie pure, paradisiaque. Cela veut dire que la domination du diable se termine. Voici la raison pour laquelle les Iraniens fêteraient le 13ème jour de chaque nouvelle année.
Un autre groupe de chercheurs partagent un autre avis. Pour ceux-ci, le 13ème jour de chaque mois appartenait au dieu de Tire ou dieu de la pluie. Donc, la cérémonie de Sizdah Bedar crée en fait une occasion de la fête pour honorer et vénérer ce dieu. Ils le supplient d’envoyer de la pluie sur les champs.
La quatrième hypothèse se rapproche, apparemment, à Norouz et à ses traditions. Les Iraniens de l’Antiquité croyaient que chaque année les Fravashis ou anges gardiens des défunts retournaient chez eux au seuil du Nouvel An. C’est pourquoi ils allumaient du feu sur les toits des maisons. Ils voulaient éclairer leur chemin puisqu’ils venaient du ciel vers la terre afin qu’ils ne se perdent pas. Les Iraniens croyaient qu’ils retournaient au ciel le 13 Farvardin (Sizdah Bedar). Ils allaient donc tous dans la nature et les accompagnaient joyeusement ainsi en faisant la fête ce jour-là.
Il y a certes d’autres théories concernant Sizdah Bedar. Mais nous venons d’étudier les quatre plus célèbres et probablement les plus proches de la réalité.
Des légendes farfelues au sujet du Sizdah Bedar iranien sont récemment apparues surtout sur internet. Par exemple, il y aurait une relation entre le Sizdah Bedar iranien et la fête de Pourim.
Pourim est une fête juive qui commémore des événements relatés dans le Livre d’Esther. Selon ce livre, Xerxès, grand roi achéménide, prit pour femme la jeune juive Esther. Haman, ministre du roi, avait une profonde hostilité contre Mardochée, l’oncle de la nouvelle reine. Fomentant un complot, il décida d’éliminer Mardochée et ses fils en les accusant de vouloir assassiner Xerxès. De plus, il voulait obtenir du roi l’autorisation de tuer tous les Juifs.
Haman avait l’intention d’exécuter son complot le 13 du mois d’Adar. Mais Mardochée eut vent de ce projet et mit Xerxès au courant. Le roi ordonna alors d’assassiner Haman. Ainsi, Mardochée devint ministre. Xerxès permit également à Mardochée d’assassiner ses ennemis. Insatisfaits du ministère de Mardochée et craignant d’être tués par ce dernier, les Iraniens s’enfuirent hors de la ville. Depuis, les Juifs fêtent ces évènements les 14 et 15 d’Aar. C’est l’origine de la fête de Pourim qui signifie la bonne chance.
Des recherches historiques concernant Sizdah Bedar laissent penser que Norouz correspondrait symboliquement aux douze millénaires. Durant douze millénaires, Ahura-Mazda combattit les forces obscures. Le treizième jour, ou millénaire, correspondrait alors à sa victoire et ne serait en rien un jour de malchance.
Certains ont considéré ce récit comme la source de Sizdah Bedar. En effet, le 13 Farvardin de chaque année, les Iraniens se réfugient dans les champs. Car cela rappele les Iraniens qui avaient fui pour échapper à Mardochée. Que le récit du Livre d’Esther soit véridique ou non, il ne peut, en aucune façon, être à l’origine du Sizdah Bedar iranien.
Nous allons argumenter nos raisons irréfutables pour rejeter cette hypothèse. Premièrement, la vengeance des Juifs selon le Livre d’Esther avait eu lieu le 13 Adar. Or, dans le calendrier hébraïque, Adar est le dernier mois de l’année ecclésiastique, ce qui correspond au mois iranien d’Esfand. En outre, dans leur calendrier normal, Adar est le sixième mois de l’année, alors qu’en Iran, il s’agit du mois de Shahrivar. Par conséquent, aucune de ces deux dates ne correspond à celle du Sizdah Bedar iranien. Deuxièmement, si le fait de quitter sa maison chaque année à cette date commémorait la fuite de leurs compatriotes, ce serait un jour de deuil et de tristesse et non un jour de fête et de joie. Finalement, aucune source historique, même le Livre d’Esther ne parle de la fuite des Iraniens dans la nature.
De fait, le Sizdah Bedar iranien se considère plutôt un jour où l’on doit s’efforcer de faire la paix avec la nature. Pour cette raison, le 13 Farvardin (Sizdah Bedar) s’appele le jour de la nature dans le calendrier iranien. Sizdah Bedar se considère comme le dernier jour des vacances de Norouz et il donne lieu à son ultime cérémonie. Chaque Iranien en profite pour quitter sa maison et s’immerger dans la nature généreuse.
C’est à cause de sa relation avec la nature que cette ancienne tradition iranienne s’appelle Sizdah Bedar. En consultant les dictionnaires persans, nous constatons que les significations intéréssantes. Le mot Bedar veut d’une part dire « vallée » et « plaine » et d’autre part « vers » ou « en direction de ». Quant à Sizdah, la signification est « treizième ». Par conséquent, Sizdah Bedar signifie « aller en direction de la vallée et de la plaine le 13e jour ». En résumé on peut dire sortir et passer joyeusement un jour à l’air libre dans la nature.
Comme de nombreux évènements iraniens, Sizdah Bedar a ses propres coutumes qui lui donnent un caractère particulier.
Avant Sizdah Bedar, des Iraniens pensent à choisir un lieu favorable pour aller pique-niquer et passer la journée dehors. Certains choisissent un parc, d’autres vont en périphérie des villes ou encore se rassemblent dans un jardin. On prévoit de se retrouver en famille ou avec des amis pour passer Sizdah Bedar ensemble et fêter ce jour.
L’un des rites les plus importants les gens font un nœud avec des tiges de sabzeh (des herbes). Selon les Iraniens, il faut attacher les tiges des herbes ce jour-là afin que se réalise un souhait particulier. Ils pensent qu’en enlevant le nœud des herbes dans la nature, leurs souhaits seront exaucés et leurs problèmes résolus. Les jeunes filles et les garçons célibataires attachent les herbes pour ainsi exprimer leur souhait d’être mariés avant le Sizdah Bedar de l’année suivante. Mais quelle est le fondement de cette tradition ?
Al-Biruni considère que cette pratique s’apparut à l’époque de Kayomars, le premier homme créé par Ahura Mazda. Selon les légendes, il est le premier roi de la dynastie des Pishdadiens. Dans ce mythe iranien, Kayomars et son épouse eurent deux enfants jumeaux. Le frère et la sœur se marièrent sur ordre de leur père pour assurer la descendance humaine. Ils nouèrent la tige d’un myrte pour symboliser leur union et ils se prirent par les mains. Cette tradition existait lors de la cérémonie de mariage des Iraniens de l’Antiquité.
Un autre rite consiste à jeter des herbes dans l’eau. Ces herbes cultivées appelées « sabzeh » tiennent une place particulière sur l’Haft-Sin, table sur laquelle se trouvent 7 éléments symboliques dont le nom commence par la lettre « s ». Car il s’agit d’un des plus importants symboles de Norouz. Décorant les Haft-Sin durant les vacances de Norouz, ces herbes seront jetées dans l’eau le dernier jour pour ainsi clore cette période festive.
De nombreuses traditions existent le jour de Sizbah Bedar, comme par exemple le déjeuner dans les jardins de la ville. D’autre comme le rite de sabzeh, se fait pour exaucer les vœux. Ce jour clôture les cérémonies de Norouz en Iran.
On dit qu’à la Cour achéménide, avant le Nouvel An, on plantait différentes sortes de graines dans douze pots. Il s’agissait du riz, du blé, lentilles, l’orge, le pois, le millet, la maïs, le sésame, le soja et haricots). Les gens pensaient que le type de graine qui pousserait le mieux, correspondrait à la meilleure récolte de l’année. Ces plants restaient jusqu’au 13 Farvardin, puis ils les avaient joyeusement enlevés et jetés dans l’eau.
Une autre coutume amusante veut que le 13 Farvardin, l’on fasse des blagues, des farces ou des canulars. Quelques fois, on raconte des mensonges. On sait que le premier avril dans le calendrier grégorien et du 13e jour de Norouz se coïncide. Donc, cette tradition du poisson d’avril s’est aussi répandue chez les Iraniens. En 1943, un journaliste iranien a pour la première fois commencé ce jeu en publiant dans son journal du 13 Farvardin plein de petits et grands mensonges. Dpuis, cela se perpétua parmi la population.
Hormis ce dont nous venons de parler, il existe également d’autres traditions plutôt locales partout en Iran.
Auparavant, lors de la cérémonie de Sizdah Bedar, les gens exprimaient leurs souhaits. Puis ils écoutaient en cachette les conversations des autres. Ils considéraient ensuite la première phrase entendue comme la réponse.
Différentes sortes d’horoscopes s’effectuent à l’occasion de Sizdah Bedar à partir de l’éternuement, du pot ou encore de la tasséographie.
Une autre coutume courante parmi les peuples kurdes consiste à rassembler 13 pierres et à les jeter derrière. Ils voulaient ainsi éloigner les malheurs et la malchance. D’autre part, selon eux, les souhaits émis lors du lancement des pierres se réalisent. Seront.
Titulaire d’un master en Histoire, Doctorant en histoire politique , Chercheur
Titulaire d'un master de français