Issue des calendriers mazdéistes et zoroastriens, la fête de Sepandarmazd témoigne de la culture et de la philosophie de vie des Iraniens de la Perse antique. Le peuple iranien conçoit depuis toujours la joie comme faisant partie intégrante de la vie quotidienne.
Devenue le symbole de l’Amour, Sepandarmazd était la divinité de la Terre. C’est le symbole de l’amour et de la fécondité nourricière de toute vie. Zoroastre la célébrait déjà en son temps pour purifier son existence. Il perlettait permettre à la paix de régner sur le monde et sur les Hommes.
Ne prenant pas en compte la sexualité, Sepandarmazd honore ce que Biruni décrivait comme l’Epouse. C’est-à-dire la femme aimée, porteuse de la fécondité et du renouvellement de la Vie. D’ailleurs, la langue persane entretient toujours le lien entre les mots « femme » et « vie ».
Venue du fond des âges, Sepandarmazd appartient à l’identité culturelle et intellectuelle des Iraniens qui ne manquent pas de la célébrer chaque année.
En Perse, dans les calendriers mazdéiste et zoroastrien, chaque mois comptait trente jours. Les douze mois portaient des noms de divinités et il en était de même pour les jours. Par exemple, le premier jour était dédié à « Ahura Mazdā ».Lle deuxième jour s’appelait Vahman/Vohuman signifiant « la bonne pensée » qui est le premier attribut du Créateur. Le troisième jour Ardibehesht/Ardwahisht/Urdvahisht, c’est-à-dire « l’excellente pureté et la sincérité » un des attributs du Créateur. Le quatrième jour Shahrivar/Shahrewar qui signifie « la souveraineté et la royauté souhaitables ». Ce jour appartient au Créateur et le cinquième jour Sepandarmazd.
Sepandarmazd était la divinité de la Terre, divinité humble, sainte et passionnée. La Terre est le symbole de l’amour parce qu’elle aime toutes les créatures. Elle traite les beaux et les laids de la même façon et les prend dans ses bras comme une mère qui aime tous ses enfants. C’est pour cette raison que, dans la culture ancienne, on considérait Sepandarmazd comme le symbole de l’amour. Une fois par mois, le nom du jour et celui du mois correspondaient, c’était l’occasion d’une fête du même nom.
Dans les calendriers mazdéiste et zoroastrien, chaque jour était dédié à un attribut du Créateur. Le cinquième jour était celui de Sepandarmazd, divinité humble, sainte et passionnée de la Terre, elle-même symbole de l’Amour
Par exemple, le cinquième jour de chaque mois s’appelait « sepandarmazd » ou « esfandarmazd ». Dans le mois d’esfand, il y avait la fête d’esfand. Le peuple iranien se rangeait parmi les nations où les fêtes et la joie faisaient partie intégrante de la vie. Des fêtes étaient organisées à diverses occasions et leur vie était gaie. Ces fêtes montrent la culture, la manière de vivre, les mœurs, la philosophie de la vie et somme toute, la vision du monde des Iraniens de la Perse antique.
Le mois d’esfand et, particulièrement le cinquième jour de celui-ci qui s’appelait « Le jour d’esfand ». Dans tous les calendriers iraniens, on les considérait comme le mois et le jour de la célébration de la terre féconde et des femmes. Les mots persans « Esfand » et « Sepandarmazd » sont tirés du mot pehlevi « Sepandarmazd » et du mot avestique « Spenta Armaiti ».
En effet, l’origine de ce mot est « Armaiti » et le mot Sepenta/Sepanda était rajouté par marque de respect. Ce terme est d’un usage continu dans la langue et la culture des Arméniens en Iran. Ils connaissent Sepandarmazd sous la forme de « Sepandarmat » et ils la considèrent comme « la divinité de la fécondité ». Donc « Armaiti » seul ou sous la forme de « SpentaArmaiti » était le nom de « la terre » et surtout de « la terre féconde » ou « terre-mère ».
Plus tard, ce terme a désigné l’ange ou le gardien de la terre, pour finalement être considéré comme une des six divinités des Amesa Spenta accompagnant Ahura Mazdā. Dans les anciennes croyances, les qualités des femmes comme la fécondité et la générosité furent également attribuées à la terre, d’où son genre « féminin » ; c’est pour cette raison qu’une belle locution comme « la mère patrie » est devenue fréquente. De même que nos ancêtres traitaient la terre comme une femme ou une mère, ils considéraient le ciel comme un homme ou un père, d’où les locutions « Terre-mère » et « Ciel-père ».
Ils associaient d’un côté, la femme, la terre et la végétation et de l’autre, l’homme, le ciel et la pluie. Nous savons que dans les anciennes croyances iraniennes, le premier homme et la première femme étaient appelés « Mašyā » et « Mašyānē ». Ils furent créés au cœur de la terre et de la racine fourchue d’une plante connue sous le nom de « mandragore ». Ce qui n’a rien d’étonnant puisque la terre était considérée comme la mère de la race humaine. Sepandarmazd joua de multiples rôles dans la culture et la littérature iraniennes. On voit que Sepandarmazd est mentionné 18 fois dans les Gāthās. Zoroastre y eut plusieurs fois recours pour avoir une vie pure, pour que la paix règne sur les champs cultivés, les pâtures et les animaux, pour trouver un excellent chef et aider sa fille Pourucistā à choisir son époux.
Les anciennes croyances associaient la femme à la terre et à la végétation, tandis que l’homme correspondait au ciel et à la pluie. La femme était chez les ancêtres le symbole de la vie. Elle donne naissance aux enfants, et par conséquent, la continuité à l’existence.
Dans les mythes persans, c’est Sepandarmazd qui a demandé à Manuchehr de construire un arc et une flèche spéciale pour l’archer Arash afin qu’il puisse lancer le plus loin possible la flèche et ainsi recouvrer les terres prises par les ennemis. Selon le texte pehlevi de Sad-dar, il aide les auteurs parce qu’ils émettent des pensées. Plutarque raconte que le roi achéménide Ardeshir II demanda la guérison de sa femme Atusa à Sepandarmazd qui s’empressa de l’aider.
Partout dans l’Avesta et surtout dans le Farvardin Yasht et le Yasna 38, on trouve des phrases en l’honneur de la terre et de la femme. Il est utile d’indiquer que les trois termes, à savoir Armaiti, femme et terre, sont d’anciens mots indo-européens que l’on retrouve dans les langues indo-européennes, mais avec quelques différences formelles. De même, il faut préciser qu’il y a des liens entre les mots « femme » et « vie » et les mots « homme » et « mort ». Chez nos ancêtres, la femme était le symbole de la vie puisqu’elle donne la vie aux enfants. En ce qui concerne l’homme, s’il n’a pas de descendance, sa mort marque la fin de son existence.
C’est pour cette raison que dans les temps anciens, les groupes humains étaient liés à la mère. Ceci n’avait aucune relation avec le système matriarcal. Les inscriptions présentes (surtout à Izeh) montrent que, même à la période des Élamites où le système matriarcal n’existait pas. Ils prenaient parfois le nom de leur mère pour se présenter. La dénomination du dernier mois de l’année « Sepand » tire son origine de cette même qualité de la terre, à savoir la fécondité. En effet, c’est durant ce mois que les graines commencent à pousser pour donner naissance à une nouvelle plante. Cela annonce le renouvellement de la végétation.
C’est pourquoi les Iraniens célébraient ce mois-là et surtout le cinquième jour qui portait le même nom de Sepandarmazd, les femmes et la terre féconde et les hommes leur offraient des présents. Bien qu’il n’y ait pas d’informations à ce sujet, on pense que les travaux agricoles débutaient à cette période. L’autre nom donné à cette fête est « la fête des agriculteurs » (jashn-e barzegarân). Car les agriculteurs sont les assistants de Sepandarmazd dont le travail consiste à faire pousser les plantes. Il est à noter que, selon diverses sources, cette fête de Sepandārmazgān n’appartient pas à tel peuple ou à telle tribu particulière. Elle est liée aux phénomènes naturels et aux coutumes humaines. Abu I-Reyhan Biruni qualifie cette fête d’ancienne et il ajoute que cette fête fut depuis longtemps consacrée aux femmes mariées.
A cette occasion les hommes faisaient des cadeaux à leur femme. C’est pourquoi elle s’appelle aussi « Mardgiran » (recevoir des cadeaux de la main des hommes). Aujourd’hui, on célèbre encore cette fête dans beaucoup de régions centrales iraniennes comme celles d’Eghlid, de Kashan et de Mahallat en l’appelant « Fête d’Esfandi » ; les femmes cuisinent une sorte de potage nommé « Ashe Esfandi » à la satisfaction de tous. Cette cérémonie se célèbre le premier jour d’esfand dans les villages près de Kashan comme Nashalge, Estark et Neyasar.
Mary Boyce dans son livre (A History of Zoroastrianism, Vol. 1) explique qu’il n’y a pas si longtemps, les zoroastriens de Kerman se rendaient dans le désert le jour d’Esfandegan. Ils voulaient tuer les oiseaux et les insectes qu’ils considéraient comme dangereux. Cette fête d’Esfandegan est un souvenir ancien des mythes de fécondité.
Sepandarmazd reste encore aujourd’hui une fête essentielle célébrée chaque année en Iran. Jour de respect et d’honneur pour les femmes, cette célébration vient du fond des âges. Ells se vêt d’une conception à la fois spirituelle et philosophique. Sepandarmazd honore l’Amour au sein du couple sans considération aucune avec la sexualité.
Elle n’est pas la fête des femmes au sens absolu du terme. Elle est perçue comme le jour où l’on honore et respecte la terre féconde et par extension la femme. En d’autres termes, ce que nous entendons par le mot femme, c’est épouse et non le sexe féminin. Biruni aussi, dans ses descriptions, considère la femme en tant qu’épouse uniquement. Il ne prend pas en considération le sexe féminin. Les rites qui se pratiquent aujourd’hui en Iran ou dans la diaspora iranienne ont tous des liens avec les relations affectives au sein du couple et n’ont rien à voir avec la sexualité.