Pourquoi avons-nous choisi l’Iran comme destination de voyage en ce début d’année 2001 ? A cette question on peut trouver plusieurs réponses un peu vagues. Mais à la réflexion il semble que celle qui domine est : la curiosité. En effet, pour nous, couple français, quand l’on pense Iran,on pense Ayatollah. Comment les Iraniens vivent-ils ce régime mystérieux et inquiétant? Puis vient, juste derrière, la curiosité historique. Qu’y a-t-il derrière ces mots prestigieux comme Persépolis, Shiraz, y a-t-il vraiment des roses à Ispahan ?
Vu d’ici l’Iran est un pays fabuleux entouré d’un grand mur. L’envie d’aller voir ce qu’il y a derrière a été suffisante pour nous décider à tenter de satisfaire notre insatiable curiosité. Nous avons donc abordé Téhéran sans idées préconçues et avons plongé dans un gigantesque embouteillage qui nous a rappelé les rues de Paris un jour de grève des métros. Mais, les silhouettes noires des tchadors et le soleil nous ont ramené à la réalité.
L’air des vacances aidant, nous avons pris patience. C’est avec délice que nous avons goûté au calme paisible de l’ancienne résidence royale des Pahlavi, Sa’ad Abad, sur les hauteurs de la ville. Nous y avons apprécié les « folies » comme ce petit Palais Blanc où la pièce de réception est entièrement gainée de miroirs.
Excité par ce raffinement très oriental, que nous avions déjà admiré dans des palais en Inde, nous nous sommes retrouvés au Musée Abgineh du Verre et de la Céramique. Dans ce charmant hôtel particulier se trouve présentée une collection de merveilleuses céramiques dont certaines, préhistoriques, ont des formes que ne renieraient pas nos plus contemporains céramistes. Puis, le Musée du Tapis nous a prouvé qu’il s’agit là, d’un moyen d’expression artistique majeur où Nomades et Sédentaires se sont exprimés en dessins sophistiqués aux superbes couleurs.
Mais huit jours c’est peu et le temps presse. Un saut avec Iran Air nous amène à Shiraz. Nous ne dirons rien de Shiraz car à notre grande déception, deux évènements majeurs pour l’Iran nous ont privé de cette ville. L’anniversaire de la mort du Prophète et le retour à Téhéran des Restes de mille Martyrs de la guerre Iran – Iraq. Nous avons trouvé porte close sur tous les sites de la ville. Les rues vides et les commerces fermés en ce jour de commémoration.
Toutefois, il nous fut donné de pénétrer dans la cour d’une grande Mosquée et de vivre en direct une manifestation du Deuil national, d’une intensité bouleversante. Un Personnage, religieux peut-être, haranguait avec véhémence une foule d’hommes qui reprenaient en choeur, dans un crescendo impressionnant.
Des hommes en cortège derrière un tambour qui rythmait la marche en coups sourds, se flagellaient avec des martinets de chaînes, ou se frappaient la poitrine à grands coups de poings. Nous étions impressionnés, sidérés de voir ces traces sanglantes sur le tissu des chemises que portaient ces hommes.
Pour tenter de passer inaperçues dans la masse humaine qui grouillait autour de la Mosquée, nos épouses avaient revêtu le tchador intégral. Ce qui a fait beaucoup sourire les Iraniennes qui les voyaient passer. D’ailleurs, une certaine tolérance sur la tenue, non totalement conventionnelle des touristes nous a surpris et amené à supposer qu’un début d’esprit réformateur était peut-être en train de naître en Iran. Certaines fantaisies que l’on voit quelquefois sur les tchadors n’en sont-ils pas la preuve?
Shiraz nous était fermé, Persépolis nous a accueilli. Majestueux escalier qui grimpe à l’assaut de la plate-forme sur laquelle se dressent les ruines. Gigantisme des chapiteaux, des colonnes, finesse des sculptures de tous ces personnages qui, en procession, venaient faire hommage à Darius.
Et cette pierre noire qui brille, comme cirée, là où la main des hommes l’a caressée. Il faudrait passer des jours pour tout voir en détail. Nous quittons Persépolis impressionnés pour, à quelques kilomètres de là, le site de Naqsh-e Rostam et ses énormes tombeaux . Ils firent creuser dans la falaise, Darius et ses successeurs immédiats.
Nous passons par Pasargades, surpris du peu de traces qui restent de la capitale du Grand Cyrus. Ormis son tombeau qui trône, isolé au milieu de la plaine, nous avons la surprise de découvrir un mystérieux Chevalier gravé sur une énorme pierre du Palais. Qui nous dira ce qu’il fait là ?
Un après midi de car. Nous sommes proches d’Ispahan après avoir traversé de longs kilomètres de paysages arides frangés de montagne. Le soir tombe et dans la lumière rougeâtre nous arrivons dans un site fantôme. C’était l’ancien village fortifié de lzad Khâst, juché sur un éperon rocheux. Près du petit pont qui enjambe la rivière, un ancien caravansérail ouvert à tous vents.
Puis, c’est Ispahan avec ses vieux ponts d’un autre age et ses splendides mosquées. Ispahan est peut être les plus belles mosaïques et céramiques qu’il nous fut donné d’admirer. Des dômes émaillés comme des bijoux cloisonnés, et qui comme celui de la mosquée du Sheikh Lotfollâh rutile à l’intérieur, touché par un rayon mystérieux.
La place Royale nous a émerveillé par sa beauté. Mais nous est apparue, surtout le soir, comme un lieu de fraîcheur et de rencontre. Là où les habitants viennent en famille, installés sur les pelouses, profiter du calme du soir et papoter par petits groupes. Sur cette place nous avons pu plusieurs fois parler longuement avec de jeunes Iraniens. Ils apprenaient le français ou l’anglais à l’Université.
Là et ailleurs,l’amabilité de l’accueil des Iraniens et des Iraniennes nous ont agréablement surpris. Partout nous avons eu droit aux sourires et nous avons été étonnés du désir de contact manifesté en toutes occasions. Aucune hostilité, bien au contraire, lorsque nous avons pris des photos. De nombreuses fois nous avons été nous-même photographiés, mêlés à des groupes d’Iraniens.
Puis, nous avons dû quitter Ispahan pour Téhéran puis Paris après ce trop court séjour d’une semaine. Nous avons toujours l’envie d’approfondir ce que nous n’avons fait qu’effleurer.
Notre curiosité n’est pas entièrement satisfaite. Nous nous promettons de revenir, conscients d’avoir encore beaucoup de choses à découvrir. Notre coup d’oeil de l’autre coté du mur ne nous a pas permis de juger de l’impact sur la vie de l’Iranien moyen du régime sévère auquel il est soumis . Mais nous avons tout de même constaté que la Jeunesse est nombreuse. Nous avons remarqué qu’un certain esprit de réforme l’anime, et que l’avenir lui appartient.