Hafez :L’amour terrestre ou céleste ? Que dit Hafez de Chiraz ?

Hafez et sa vie

Hafez[1] de Chiraz est né entre 1315 et 1328 et il est mort en 1388 ou 1389. Sa naissance se considère comme l’apparition d’un phénomène nommé Hafiz ou Hafez. Son surnom «Hafez» provient du fait qu’il connaissait le Coran par cœur!

Il est contemporain de deux dynasties, celle des Injouïdes [2] et celle des Muzaffarides[3] Ses poèmes ne s’adressent pas à un groupe spécial. Tout le monde peut les apprécier. Ce qu’il a composé n’est pas destiné à une époque ou à un pays particulier. Il joue avec les pensées de ses lecteurs, il veut les égarer. On trouve chez la majorité des Iraniens «le Divan» de Hafez, comme des œuvres de Sa’di, Rumi ou Ferdowsi. Ce qui est surprenant, c’est qu’ils préfèrent de réciter celle de Hafez. Mais pourquoi? Parce qu’ils peuvent interpréter ses poèmes comme ils le désirent et sans avoir à prendre en considération ses intentions exactes.

Né à Ispahan, selon certaines sources, il passa la plus grande partie de sa vie à Chiraz. Il aimait Chiraz plus qu’Ispahan. Son amour était tel qu’il ne quitta que rarement sa ville préférée.  Au contraire de Saadi, il était introverti, c’est pourquoi il choisit une vie isolée. Il fut l’étudiant de Qavam al-Din Abdallah et de Seyyed Sharif Jorjani. Ce dernier avait remarqué le talent de Hafez pour le ghazal.

 

La personnalité complexe de Hafez se cache toujours derrière le rideau de l’ambiguïté. Choisissant un style obscur, il essaie de dissimuler son identité et sa manière de penser. Contrairement à Ferdowsi, à Saadi et à Rumi, ses messages ne sont ni simples, ni faciles à comprendre. Hafez confronte le lecteur à des difficultés de compréhension et d’interprétation, de sorte qu’il peut s’égarer aisément.

Les caractéristiques de la poésie de Hafez

Saadi est le maître du ghazal simple et Hafez le seigneur du ghazal mystique. L’ambiguïté est la caractéristique principale de ses poèmes.

  • Il utilise des symboles et des métaphores qui restent incompréhensibles pour celui qui n’a pas une certaine connaissance de son langage. Il s’exprime de manière énigmatique et compose des poèmes aux sens multiples.
  • Quant à ses idées philosophiques, Khayyâm a influencé Hafez. En ce qui concerne le mysticisme, il est proche de Rumi (Mevlânâ). Pour le ghazal, il est le disciple de Saadi.
  • Par son usage magique des mots, sa parole et ses pensées, il est comme un chapelet artistique dont chaque grain nécessite une récitation correcte et une bonne traduction avec un grand respect.

Hafez et la question d’amour

D’après Hafez, tout le monde goûte l’amour durant sa vie, au moins l’amour au sens figuré. Mais quel qu’en soit le type, cela nécessite toujours un grand effort. Etre amoureux, tout comme vivre, est un art. Sur la voie de l’amour, il nous faut l’effort et  la persévérance dont le point initial vient de la volonté de l’homme. Selon Hafez les problèmes survenus à cause de l’amour ont pour origine un manque de compréhension humaine. C’est pourquoi il invite les personnes dépourvues de ce talent à éviter de se lancer sur la voie de l’amour.

Il considère l’amour comme une réponse à la question de l’existence humaine. Etre amoureux vient de l’intention de l’homme qui lui permettent d’atteindre le résultat ultime qu’est la béatitude. En conséquence, le manque d’amour est synonyme de manque de vie.

هر آن کسی که در این حلقه نیست زنده به عشق                     بر او نــمرده، به فتــوای مـن نمـاز کنید

D’après Hafez, l’amour nécessite l’engagement de l’homme tout au long de sa vie amoureuse. Pourtant, l’amour est le contraire de la nonchalance et du conformisme. S’engager sur la voie de l’amour est la vraie prière devant Dieu. L’amour nécessite la bienveillance pour que l’intimité de l’amour soit acceptable.

Erich Fromm dit: «L’essence de l’amour est de « se donner la peine » pour quelque chose et de « faire croître » ce quelque chose. Donc, l’amour et la souffrance sont inséparables. On aime ce pour quoi l’on a peiné et l’on peine pour ce qu’on aime. »

Selon Hafez, quand l’homme connaît les règles du jeu, souffre moins des douleurs. En fait, la douleur de l’amour apporte un plaisir significatif  dont l’identité  est bien déterminé afin d’atteindre son objectif.

Hafez et la souffrance en amour

La souffrance en amour fait partie des lois de la nature qui sont dures. Il arrive que l’homme se fasse sacrifier ainsi que sa joie. Il en est une qui exige l’homme à souffrir s’il cherche quelque chose. Car chaque chose coute un prix à payer qui se fait valoriser de plus en plus que l’on cherche.

Quelquefois, les amoureux tombent dans la drogue, l’alcool ou le suicide. Ce ne sont pas de vrais amoureux, car ils ne peuvent pas payer le prix de leur amour.

S’abstraire du monde matériel, de ses apparences et de ses défauts comme l’égoïsme est nécessaire pour pouvoir être victorieux dans la voie de l’amour. Tant que l’homme est prisonnier de ses besoins matériels, il ne peut pas se transcender. L’égoïsme est l’ennemi de l’amour et l’égoïste n’arrive pas à être amoureux. Le plus grand obstacle à l’amour est l’âme concupiscente dont l’égoïsme est le fruit légal !

L’amour nécessite savoir et respect, c’est-à-dire que le vrai amoureux admire ses similitudes avec sa bien-aimée. En fait, il comprend et respecte leurs divergences. Il sait que souffrir et être tolérant est la condition nécessaire à l’amour.

Le remède de souffrance

La route vers l’amour est épineuse et il n’y a pas de quiétude. Pourtant la patience de l’amoureux ne reste pas sans récompense. Tout comme la pluie qui tombe, on ne peut obliger l’amour à advenir.

 Hafez dit que la patience n’est pas une espérance vaine. Donc, c’est une espérance qui tend vers le but intérieur et une certitude de pouvoir l’atteindre. Nous vivons dans un monde parfait.

Selon lui, es lacunes et les turpitudes résultent de nos jugements et de nos points de vue. L’amour névrotique est toujours malheureux car l’amoureux brûle dans le feu des regrets. La conformité et l’homogénéité ne sont pas les seules conditions de l’amour.

On ne peut pas le transférer par les mots ou le dialogue. En fait, on ne le trouve pas même dans les livres ou dans les écoles. C’est la raison que l’on peut ainsi apprendre et non l’amour.

مرا تا عشق تعلیم سخن کرد                                 حدیثم نکته هر محفلی بود

Depuis que, de l’amour, j’appris la poésie

On vante mes bons mots en bonne compagnie.

 

مگو دیگر که حافظ نکته دان است                       که ما دیدیم محکم جاهلی بود

Ne dis plus que Hafez est un homme d’esprit :

Nous voyons bien qu’il est un ignare endurci[4]

 

مباحثی که در آن مجلس جنون می­رفت                              ورای مـدرسه و قیـل و قـال مسئلـه بـود

حریم عشق را درگه بسی بالاتر از عقل است                         کسی آن آستان بوسد که جان در آستین دارد

Hafez et l’amant

Hafez pense que le talent d’être amoureux se donne à l’homme pour qu’il puisse s’approcher de Dieu. Car la seule chose impérissable est l’amour.

از صدای سخن عشق ندیدم خوش­تر                                    یادگاری که در این گنبد دوّار بماند

Alors que l’homme a Dieu à son intérieur, Hafez croit qu’il le cherche ailleurs ou chez les autres. Donc, c’est  la plus grande négligence de l’homme vient de cette vérité. Il faut que l’homme se connaisse et se pardonne pour pouvoir juger les autres. Si nous jugeons quelqu’un, à vrai dire, nous sommes en train de nous décrire. L’homme amoureux ne vicie jamais sa vue en regardant par mauvaise œil. La langue de l’amour n’est ni la langue de la critique ni celle de l’admonition.

منم که شهره شهرم به عشق ورزیدن                                   منـم که دیده نیـالودهام به بد دیـدن

Je suis le plus connu des fidèles d’amour

         Et je ne veux partout voir que ce qui est beau

Hafez et l’attitude de l’amant

Etre indulgent est un élément primordial de la générosité. En fait, l’homme est temporairement loin de Dieu. Donc, Il essaie de soulager cette distance spirituelle par l’amour et il est toujours en train de geindre. L’égocentrisme ou le fait de se créer une fausse personnalité n’aboutissent à rien. C’est la vérité qui compte. Tant que l’homme ne dépasse pas ses besoins naturels, il n’arrive pas à se sublimer.

تو کز سرای طبیعت نمی روی بیرون                                    کجا به کوی طریقت گذر توانی کرد

Toi qui es prisonnier dans le monde sensible,

     Comment peux-tu savoir où se trouve la Voie ?

Se limiter aux besoins primaires et se contenter de les assouvir est, selon Hafez, propre à la vie animale. L’homme honoré mérite plus. Il compare ces personnes à un faucon s’abaissant au rang de mouche qui a quitté les sommets pour venir en ville et goûter le sucre et s’en contenter.

چه شِکَرهاست در این شهر که قانع شده‌اند                             شـاهبازان طریقـت به مقـام مـگسی

Il nous conseille de connaître la valeur de l’instant présent pour éviter les regrets à l’avenir.

بوسیدن لب یار، اول ز دست مگذار                                      کاخر ملول گردی از دست و لب گزیدن

و یا

گفتم ای بخت، بخسبیدی و خورشید دمید                             گفت با ایـن همه از سابقـه نومیـد مـشو!

Hafez dit: «Il faut se noyer dans le présent comme les derviches tourneurs au moment de leur danse mystique durant laquelle ils oublient tout ».

چو در دست است رودی خوش، بزن مطرب سرودی خوش

که دست افشان غزل خوانیم و پاکوبان سراندازیم

Vivre au présent, c’est être à l’écoute du présent et connaître sa valeur en considérant sa fugacité. Mais cela ne veut pas dire être «le serviteur de l’instant». Il refuse fuir la vie en se réfugiant dans les drogues pour oublier la vie. Donc on ne peut pas reporter aucun projet dans le futur sans raison. Dans l’art de vivre, il n’y a aucune place pour la négligence.

ساقیا عشرت امروز به فردا مفکن                                       یا ز دیوان قضا خط امانی به من آر

En effet, Hafez veut dire que ce n’est pas l’expérience de l’instant présent qui nous conduit vers la folie. C’est le regret du passé et la peur du lendemain qui gâchent la vie humaine.

پنج روزی که در این مرحله مهلت داری                              خوش میاسای زمانی که زمان این همه نیست

Hafez vu par les grands littéraires du monde

De grands hommes iraniens ou étrangers ont été ou sont d’accord avec ces idées d’Hafez. On peut citer certains noms comme Ralph Waldo Emerson, Khayyâm, Ansari, Rumi et Horace, le grand poète romain.

Horace dit: «Heureux est l’homme qui considère aujourd’hui comme son propre jour et crie avec quiétude: oh demain! Fais ce que tu veux car j’ai passé ce jour.»

Kalieh Asa, dramaturge indien écrit: «Le passé n’est qu’un souvenir et l’avenir qu’un rêve. Celui qui connaît la valeur d’aujourd’hui, considère le souvenir d’hier avec optimisme et le rêve de demain avec espoir.»

Winston Churchill était si immergé dans l’instant présent qu’au moment de la Seconde guerre mondiale quand il était Premier ministre du Royaume-Uni, il disait qu’il n’avait pas le temps pour l’inquiétude!

Hafez et la notion du temps

Hafez parle de l’originalité de l’instant et en avertit les autres. Il attire l’attention de l’homme vers l’union et l’unanimité car il voit le monde comme un ensemble cohérent.

Il pense que l’extase et l’ivresse mystiques viennent de l’union de l’homme avec tout l’univers. Donc que recourir à ce qui produit l’extase artificielle est inacceptable. C’est ainsi que l’énergie divine l’atteint complètement et qu’il trouve l’inspiration. De plus, il insiste sur la cohérence interne, c’est-à-dire la concordance entre la pensée et l’action. Il recommande d’abandonner l’égoïsme pour pouvoir se développer.

(Hafez utilise souvent le mot «Rend». C’est un terme qui résume les traits complexes et uniques des Persans. C’est le symbole le plus évocateur de l’ambiguïté du caractère persan qui, pour être compris, doit être resitué dans son contexte. Il peut avoir un sens positif, mais aussi un sens négatif.

Ce mot peut signifier racaille, canaille. Mais cela ne veut nullement dire que la personne n’est pas sincère et franche pour justifier ses actes. Elle ne confond pas ce qui est légal et ce qui ne l’est pas. Hafez met en garde contre les personnes névrotiques et psychotiques.

Vivre et essayer d’atteindre le bonheur est, pour Hafez, synonyme de difficultés. Car elles sont consubstantielles à la philosophie de la création. C’est pourquoi il se moque des hommes qui se battent contre l’univers. Dans les difficultés, seul Dieu accompagne l’homme. Il est nécessaire que celui-ci sache s’en remettre au Créateur. Tout a un prix à payer pour vivre. Le prix est de subir un peu la douleur ou la souffrance.

Hafez et la contradiction entre l’amour et la raison

La sagesse divine dans la création et dans les méandres de la vie se considère comme latente et éphémère par Hafez. Selon lui, rien n’est assuré ni perpétuel. Chercher l’amour sans condition est vain et n’aboutit qu’à l’échec. A vrai dire, tout le monde aime être aimé par les autres pour ce qu’il est. Mais pour certaines personnes névrotiques, la question ne se pose pas. Elles aiment être aimées sans en connaître la raison.

Hafez pense que l’amour est fatal parfois, mais que le plus souvent il résulte de la volonté de l’homme. Nous devons accepter que ce paradoxe ne soit pas bizarre. Nous pouvons ainsi en déduire que l’amour est un don divin. Ainsi, la concrétisation de ce don est le résultat de la volonté de l’homme. Quand Hafez donne des conseils ou invite à quelque chose, il laisse la place à la liberté humaine. Il considère que les partisans de la raison ne sont qui  ignorants qui  ne comprennent pas la conduite des amoureux. C’est pourquoi ils s’étonnent.

عاقلان نقطه پرگار و وجودند ولی                                     عشق داند که در این دایره سرگردانند

Hafez croit que les deux hémisphères cérébraux sont indispensables. L’hémisphère gauche est responsable de la pensée et l’hémisphère droit des sentiments. Il attribue plus d’importance à ce dernier.

تکیه بر تقوی و دانش در طریقت کافریست                            راهرو گر صد هنر دارد توکّل بایدش

Il compare la raison face à l’amour à la rosée face à la mer.

قیاس کردم و تدبیر عقل در ره عشق                                     چو شبنمی است که بر بحر می­کشد رقمی

Pour lui, le cerveau est le siège de la raison et le cœur, celui de l’amour. La raison s’intéresse aux aspects extérieurs et se trompe ainsi. Donc ce qui n’est pas perceptible par les cinq sens est rejeté par elle. En conséquence, le jugement de la raison à propos de l’amour est sans valeur.

زاهد ظاهرپرست از حال ما آگاه نیست                                  در حق ما هرچه گوید جای هیچ اکراه نیست

L’amour est préférable, quand la raison s’avère incapable, car c’est l’amour qui donne la réponse. Parfois, la raison est précieuse quand elle prescrit l’ivresse.

من و انکار شراب این چه حکایت باشد                                  غالبا این قدرم عقل و کفایت باشد

La raison et l’amour

La raison sans l’aide de l’amour ne serait pas à l’origine de la bonté. Les excès de la raison pour Hafez est moins importante que ceux de l’amour. Les grands hommes de ce monde sont tous amoureux, mais pas forcément sages. Cependant, la censure exercée par la raison permet de contrôler l’amour et ainsi d’éviter les dangers, mais l’intervention de la raison est une intervention étrangère.

مدعی خواست که آید به تماشاگه راز                                    دسـت غیـب آمد و بر سینـه نامحـرم زد

La passion était le moteur de Christophe Colomb pour découvrir l’Amérique. Ainsi c’est la même pour Magellan, navigateur portugais, pour son voyage autour du monde. C’était à cause de l’amour que Socrate a choisi la mort en buvant du poison et en respectant la loi. Al-Biruni était fidèle à son amour d’apprendre, même au moment de sa mort.

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Hafez et le futurisme (Falé Hafez)

Mais la théorie de la simultanéité ou des événements significatifs sous-entend qu’il faut que l’atmosphère entre deux personnes ou entre une personne et un livre soit remplie d’une sorte de charge émotionnelle pour que la relation mentale se réalise simultanément, par exemple entre d’anciens amis, entre l’amoureux et sa bien-aimée, entre le maître et son disciple,…

Le 25 août 1603, Shah Abbas, souverain safavide, quitta Ispahan afin de reconquérir Tabriz et Bagdad. Mais pour les surprendre, il fit semblant de vouloir aller chasser au Mazandéran. Cependant, à Kāchān, il changea de direction et se dirigea vers l’Azerbaïdjan. Vakil Pacha ottoman, gouverneur d’Azerbaïdjan par la volonté des sultans ottomans, apprit ces nouvelles. Il ouvrit alors «Le divan» de Hafez afin de connaître l’avenir.

عراق و فارس گرفتی به شعر خود حافظ                      بیا که نوبت بغداد و وقت تبریز است! (تاریخ صفویه

Pejman Bakhtiari[5] Nous apporte un souvenir de son adolescence. Au cours de la Première guerre mondiale, il était inquiet, comme tout le monde, et espérait la fin de cette guerre dévastatrice. Il se referait souvent au « Divan» d’Hafez pour y trouver une bonne réponse, mais jamais réussis. Enfin il tombe sur ce poème:

ما قصه سکندر و دارا نخوانده­ایم                                  از ما به جز قصـه مهـر و وفا مپرس

  Nizam Dastgheib Chirazi (poète assez connu) a souhaité se faire enterré près du mausolée de Hafez. Mais le gardien du mausolée n’étant pas d’accord, il a consulté l’ouvrage d’Hafez.

رواق منظر چشـم من آشیانه تـست                              کرم نما و فرود آ که خانه، خانه توست

 Le gouverneur[6] du Fars sous les Qâdjârs avait promis de rénover le mausolée de Hafez. Mais il ne tint pas sa promesse. Au jour de l’an, il ouvrit «Le divan» de Hafez.

ساقیا آمدن عید مبارک بادت                                     آن مواعید که کردی نرواد از یادت

Mohammad Ali Shah[7] s’est référé aussi au « Divan » de Hafez la veille du bombardement du Majlis[8] (le Parlement). On l’appelle Estékhareh[9] kardan. Pourtant, il n’a pas eu la bonne réponse qui se trouve actuellement dans les archives de l’ancienne Assemblée nationale. Mais il s’agit d’un faux commentaire. La raison de ce commentaire erroné est toujours inconnue. Peut-être un membre de la Cour l’a-t-il fait par flatterie pour plaire au roi ? Ou peut-être est-ce dû à une simple incompréhension?

Pour faire un présage correct, il faut que règne une atmosphère sentimentale pleine d’amour et une confiance totale de l’homme pour le livre. Selon Hafez l’homme n’atteindrais le sommet de la perfection tant qu’il obéit à l’âme impérative. Celui-ci le détourne des besoins du corps et du monde matériel. Un exemple de l’amour extra-terrestre est l’amour de la mère pour son enfant.

La Jaam-e Jam ou coupe de Jamshid permet l’art divinatoire dans la poésie de Hafez. Elle est synonyme du Dieu intérieur, de l’âme sage et du cœur permettant de révéler des secrets à l’homme mystique. Elle se trouve aussi  dans le Livre des Rois avec l’histoire de Bijan et Manijeh. Ainsi, on constate que la condition nécessaire pour une vie aisée et heureuse est l’abandon de l’hypocrisie et de la tricherie.

La personnalité de Hafez

La personnalité complexe de Hafez se cache toujours derrière le rideau de l’ambiguïté. Choisissant un style obscur, il essaie de dissimuler son identité et sa manière de penser. Contrairement à Ferdowsi, à Saadi et à Rumi, ses messages ne sont ni simples, ni faciles à comprendre. Hafez confronte le lecteur à des difficultés de compréhension et d’interprétation, de sorte qu’il peut s’égarer aisément.

Mais Hafez est-il vraiment un poète? La réponse est plutôt négative. La longueur de sa vie et le nombre de ses poèmes, nous montre qu’il a composé au moins d’un poème par mois. Alors il n’est pas poète au sens où nous l’entendons et qui fait que nous considérons Nizami, Ferdowsi ou Rumi comme des poètes.

Hafez un poète mystique ou un passionné du vin

A propos de Hafez, les avis sont partagés: était-il un buveur de vin ou un mystique? Il buvait du vin sous l’influence duquel il composait quelques ghazals sans tenir compte des réactions du peuple ?

Selon Kasrawi, Hafez profitait d’une connaissance du Coran, de la théologie, de la philosophie grecque, du soufisme et de l’astrologie. Tout  a causé une sorte de dérèglement de la pensée chez lui.

Car toutes ces disciplines contradictoires ont perturbé ses idées. D’où il avait l’intention de regrouper toutes malgré les contrastes conceptuelles. Donc, c’est la raison pour laquelle une fois pour Hafez est une chose fatale. Parfois, l’amour c’est le résultat de la volonté de l’homme.

Ne cherche-t-il pas seulement à être le créateur de belles œuvres artistiques sans se soucier du sens, contrairement à Aristote pour qui la poésie était un art qui faisait partie de la logique? On trouve dans certains ghazals, chaque vers est indépendamment rimé, loin du consensus général du ghazals. Donc, ce qui conduit Shah Shoja[10] ou Kasravi à critiquer Hafez.

Même Joseph Von Hammer-Purgstall, penseur occidental, considère qu’il a composé des poèmes sans unité artistique. D’après Goethe, les poèmes de Hafez n’ont ni début ni fin, mais c’est le signe justement de sa grandeur.

Parfois, on peut penser qu’Hafez est soufi, car dans ses poèmes, il utilise 35 fois le mot soufi. Pourtant,  à deux reprises seulement il en parle de façon positive, sinon il attaque les soufis.

Sans doute Hafez était-il un pauvre opprimé et blessé spirituellement. Donc, il attaquait les riches ignobles. Un hors- la-loi qui dénonçait la corruption et les hypocrisies de son temps. Il se plaignait implicitement de la tyrannie d’Amir Mobarez al-Din en même temps qu’il flattait Shah Shoja ou Shah Yahya.

C’était un homme retiré du monde qui demandait des subventions aux rois. Avant la dynastie Muzaffarides, il recevait des subventions[11] de part de Shah Shoja.) Il faut citer que l’Iran vivait une période troublée à cause des invasions des Mongoles et des Timurides.

Hafez et la croyance religieuse

Il n’y a pas d’information exacte, en fait, sur la religion de Hafez. Il parla à plusieurs reprises du Coran et jura sur ce livre.

حافظ به حق قرآن از شید و زرق باز آی                                  باشد که گوی عیشی در این جهان توان زد

Quelquefois il pensait à la manière des zoroastriens:

به باغ تازه کن آیین دین زرتشتی،                                       کنون که لاله برافروخت آتش نمرود

Certains disent qu’il était chiite duodécimain car il évoque l’Imam Mahdi[12]. D’autres croient qu’il était sunnite.

من همان دم که وضو ساختم از چشمه عشق                          چار تکبیر زدم یکسره بر هرچه که هست

En effet, ce sont les sunnites qui disent quatre takbir dans la prière aux morts, alors que les chiites en prononcent cinq.

Il est chaféite, selon certains, parce qu’il parle de Mansour al-Halladj.

منصور بر سر دار این نکته خوش سراید                                 از شافعی نپرسید امثال این مسایل

A son époque, la majorité des habitants de Chiraz était en effet chaféite. Il peut aussi être considéré ascharite pour sa croyance à la fatalité. Afin de l’absoudre, certains disent que Hafez utilise le vin et l’ivresse au sens figuratif. Dans certains vers, cette prétention est correcte.

Pourtant Hafez dit, lui-même, qu’il utilise le mot «vin» au sens exact du mot. Il interdit le vin dans un vers, alors qu’il le préconise dans un autre. Ensuite, Hafez conseille de boire du vin loin des contrôleurs pour éviter les risques et les châtiments.

Hafez et son bien aimé

Hafez avait probablement une épouse ou une bien-aimée nommée Shakh Nabat et un enfant qu’il perdit. Il n’utilise jamais le mot «fille» sauf pour décrire des plantes. En guise d’exemple le vin est la fille du raisin. Peut-être, parce que les iraniens selon leur tradition, n’annoncent pas publiquement  le nom des femmes et des filles même dans le domaine littéraire. En revanche, En revanche, il surnomme les garçons comme «les beaux». Certains considèrent qu’Hafez était homosexuel.

چارده ساله بتی چابک و شیرین دارم                                    که به جان حلقه به گوش است مه چاردهش

Ce poème mérite de  décoder. Les filles, en Iran, atteignent la majorité physique  à 14 ans, alors que les garçons n’étaient pas encore pubères à cet âge. Ceci peut expliquer que quelqu’un qui avait 14 ans et qui n’était pas encore pubère ne pouvait être qu’un garçon.

Certains même, comme Kasrawi le considèrent comme un pervers, d’autres le surnomment «le langage des secrets». Il est bon d’avoir en tête que l’excès et la réserve sont deux éléments inséparables de la conduite des Iraniens. Tous les poèmes d’Hafez n’avaient pas pour objectif de parler de bien vivre. Parfois, il n’avait l’intention que de composer des poèmes. Parfois, il disait: «J’ai écrit ce que je veux. Maintenant, c’est à vous de les comprendre selon votre intelligence et votre savoir ».Parler franchement comporte toujours des risques et s’accompagne toujours de dangers.

Quelquefois, il voyait le monde, à la manière de Khayyam, nul et sans valeur. Ou même, quelquefois comme Rumi, la grandeur de l’univers le surprend. Il faut donc voir les contradictions du monde. Ainsi qu’il nous faut voir également les beautés et les splendeurs cachées sans que, pour autant, cela nous perturbe.

[1] Chams ad-Din Muhammad

[2] Les Injouïdes ou la dynastie des Inju est l’une des dynasties mineures qui se sont partagé l’empire des Ilkhanides au XIVe siècle (environ 1325-1353).

[3] Les Muzaffarides sont les descendants de Sharaf ad-Dîn al-Muzaffar, commandant et gouverneur au service des Ilkhans mongols de Perse. Son fils Muhammad (règne 1314-1358), gouverneur de Yazd, profita du chaos qui suivit la mort de l’ilkhan Abu Saïd en 1336 pour conquérir la Perse méridionale. La dynastie, dont un des souverains importants fut Shâh Shujâ` (règne 1364-1384), fils de Muhammad, ne dura que trois générations et s’acheva dans les luttes intestines, puis par la conquête de Tamerlan en 1393.

 

[4] Hafez Shirazi, l’amour, l’amant, l’aimé, cent ballades traduites du persan et présentées par Vincent-Mansour Monteil, Edition Kimiya, 2016

[5] Le poète contemporain

[6] Hadj Farhad Mirza Mo’tamed al-Saltaneh,

[7] Sixième roi Qâdjâr

[8] 1908-1909

[9] Estékharé : demande de bonne direction en cas de perplexité, d’indécision, au moyen d’un chapelet ou d’un livre saint ( ici Divan de Hafez)

[10] L’un des rois le plus connu de la dynastie Muzaffarides, (1333-1384), le gouverneur de Chiraz et  contemporaine de Hafez

[11] Via de Hadj Qavam, le directeur financier de Chiraz et de Touranchah, vizir de Shah Shoja.

[12] Le douzième imam chiite (l’Imam caché)