Le plateau iranien est l’un des plus anciens centres de civilisation urbaine. Plusieurs recherches archéologiques et historiques le confirment. Certaines villes ont été détruites comme Cohan-dej (Narin Qaleh) de Meybod. Mais d’autres comme Suse qui date de sept mille ans, sont encore de nos jours des centres urbains.
En Iran, la situation géographique, les conditions climatiques et les traditions de la population ont créé un mode de vie. D’où un type d’architecture particulier se naît. Mais au cours de la longue histoire de l’Iran avant l’ère moderne, on retrouve un modèle presque unique d’urbanisation. Une construction nommée «Cohan-dej» constituait le noyau central des villes. Il s’agissait d’un ensemble défensif, mais remplissant aussi bien d’autres fonctions. Car il montrait tout à la fois le savoir-faire et la sagesse iranienne. Ainsi le bon goût et la maîtrise artistique de ses habitants s’y exprimaient.
Cohan-dej (Narin Qaleh) de Meybod est l’un des plus beaux modèles de ces forteresses. Elle date du quatrième millénaire avant J.C. Malgré les divers aléas, elle se dresse encore fièrement dans le désert iranien depuis des milliers d’années.
En général, l’urbanisation de l’Iran suivait un modèle unique, issu de l’expérience iranienne. Mais les particularités climatiques, les fonctions économiques ou politiques des villes étaient aussi prises en compte. Ceci influençait plutôt leurs formes extérieures.
Selon ce modèle unique, le plan de chaque ville iranienne contenait trois parties:
C’était le noyau central de la ville. Cette dernière était une cité-forteresse protégée par un mur d’enceinte, des tours et un fossé. Le Cohan-dej (Narin Qaleh) de Meybod, se situe sur le point culminant au centre et servait de lieu d’habitation aux gouverneurs. C’est ce qu’on voit de chaque coin de Meybod. Mais cette citadelle militaire pouvait être également son dernier abri le plus important. Un lieu où la population aussi pouvait se réfugier, en cas de danger.
C’était le lieu où habitait le peuple. Il se situe autour du Cohan-dej (Narin Qaleh) de Meybod. C’est là que se trouvaient les échoppes des divers métiers, artisans et commerçants, ainsi que le bazar. Le Sharestan était la partie principale de la ville. Meybod actuelle se situe dans cette partie.
Il se situait hors de la cité-forteresse. Des fermes et des villages pourvoyaient aux besoins alimentaires de la ville. Les agriculteurs pouvaient trouver refuge dans la ville en temps de guerre.
Ces villes désertiques vivaient en autarcie pour l’alimentation et les affaires courantes. Il y avait donc des liens étroits entre les villes et les villages qui s’y rattachaient. Le choix du lieu pour créer et fortifier une ville dépendait des conditions primordiales. La première se fonde sur la question de l’accès à l’eau. Deuxième réponde à la situation géographique du lieu. Étant donné le phénomène historique du pillage, les habitants auraient dû la défendre aisément. En effet, l’Iran, en faisait l’amère expérience, siècle après siècle, D’où les fortifications qui protégeaient les villes.
Donc, ils construisaient tout d’abord une fortification et un rempart autour de la ville. Pour entrer, il fallait d’abord franchir ce rempart principal. Ils avaient prévu quelques portes qui contrôlaient les entrées et les sorties. Afin que les gens dorment en paix pendant la nuit, ils fermaient ces portes. Des tours permettaient de surveiller les alentours. Il n’était donc pas facile pour les attaquants de s’emparer d’une ville.
Conscient du fait historique de Défense-Pillage, les iraniens ne se faisaient pas contents de ces remparts à se défendre. Donc, ils cherchaient d’autres moyens pour protéger leurs biens contre les envahisseurs. D’où l’idée de construire des « Cohan-dej » qui leur faisait espérer à un avenir en paix.
Le Cohan-dej, au cœur de la ville, était un complexe de bâtiments. Ayant diverses fonctions, il contenait plusieurs fortifications liées. Il servait de greniers permettant de stocker des vivres, puits pour disposer d’eau, hammam et les lieux de culte. C’était une véritable petite ville au sein de la grande. Elle pouvait être autonome lorsque des assaillants menaçaient la ville.
Bien que Cohan-dej soit le lieu de résidence des gouverneurs, elle ne leur était pas réservée. Chaque famille disposait d’un petit abri dans le Cohan-dej nommé «boucan» ou «boumcan». Elle pouvait se réfugier lors d’attaques qui menaçaient le Sharestan. En outre, il y avait une petite niche pour chaque famille, afin qu’elle puisse y mettre les objets précieuses. Les Cohan-dej abritaient également ce que l’on appelle aujourd’hui les coffres forts bancaires.
Certains de ces Cohan-dej étaient de véritables chefs-d’œuvre de génie militaire et d’architecture. L’un des plus beaux et des plus anciens est le Cohan-dej (Narin Qaleh) de Meybod
Meybod se trouve dans la province de Yazd, à environ 50 km de cette ville. C’est une ville ancienne située sur l’antique route Rey-Kerman. Selon les historiens, la fondation de cette ville date de l’époque Mèdes ou de l’époque Sassanides. Mais d’après les fouilles archéologiques, les habitations et l’urbanisme dateraient d’avant.
Il y a désaccord entre les chercheurs quant aux origines de ce nom de Meybod. Certains, croient que le nom de cette ville vient du nom d’un commandant sassanide appelé «Meybodar» qui l’aurait construite. Bien que Meybod se soit développée sous le règne des Sassanides, la longue histoire de cette ville nous montre que cette explication n’est pas correcte.
Pour d’autres, Meybod est formé de deux mots: «mey» c’est-à-dire le vin et «bod» le propriétaire. Réputée effectivement pour ses vignobles et son vin qu’elle exportait principalement. Selon géologues, du 20e au 10e millénaire avant J.C., Meybod se situait au bord de la mer antique nommée «Saveh». Celle-ci se serait asséchée probablement à la fin du 10e millénaire avant J.C. Par conséquent, l’abondance de l’eau permettait d’avoir des vignobles et d’exporter du vin. Ce qui plaide en faveur de cette explication concernant le nom de Meybod et prouve sa très longue histoire.
Meybod avait et a toujours un sol fertile. C’est pourquoi, c’était l’un des principaux centres de fabrication de poteries en Iran. Donc, elle demeure à la première place pour l’industrie de la céramique en Iran. Meybod et son histoire ancestrale, est un véritable musée vivant. En fait, elle représente une partie du riche patrimoine de l’histoire sociale de l’Iran. Mais sans aucun doute, Narin Qaleh, la citadelle antique de Meybod, en est le joyau.
Au cours de l’histoire, on a parlé de différents Narin Qaleh ou Narin dej, par exemple de Naiin.
A propos du choix de ce nom des chercheurs pensent que les Narin Qaleh étaient des citadelles concentriques. Elles se communiquaient entre elles. La citadelle au centre, était la plus petite, la plus solide, mais aussi la plus haute. Cette dernière était la citadelle gouvernementale et la résidence du gouverneur Donc, on les appelait également Narandj Qaleh. Il est donc possible que ces deux appellations aient une racine commune rituelle et très ancienne. Car «Narin» signifiant éclatant et «Narandj» étant un symbole du feu et de la lumière.
Plusieurs récits mythiques nous apportent des informations sur la question de la construction de cette citadelle. Selon l’un d’entre eux, le Narin Qaleh aurait été construit par des démons. En effet, Ferdowsi, dans le Shah Nameh ou Le Livre des rois, parle de la citadelle du Démon blanc. Dans un autre texte, elle aurait été construite sur ordre du prophète Salomon. L’un des démons qui était à son service, Dal, l’a construite pour protéger ses trésors et ses bijoux. Ainsi, les habitants l’ont d’abord appelée «Dal dej», puis «Qaleh Dalan».
Les archéologues, étudiant l’architecture de l’édifice et les tuiles découvertes ont daté sa construction du 4e millénaire avant J.C. L’étude de l’ensemble du bâtiment nous présente les différents styles d’architecture sur une très longue histoire. On y trouve de diverses utilisations de ce bâtiment aux différentes époques. Des études y distinguent trois périodes de construction, de rénovation et d’améliorations.
Certains chercheurs étant donné les différents étages et leur état, l’assimilent à une ziggourat. D’après des découvertes archéologiques et l’ancienneté des fondations, il semblerait qu’il fut d’abord un temple. Ensuite, la citadelle a été construite au-dessus du soubassement.
La première période renvoie à l’époque des Mèdes. Cette façon d’édifier des citadelles communiquant avec celle du gouverneur est caractéristique de cette époque. Cela montre que Meybod devait être un centre gouvernemental à cette époque-là. Sous les Sassanides, elle a franchi d’autres étapes dans la perfection et l’expansion. Enfin, à l’ère islamique et pendant le règne des Muzaffarides, originaires de cette région, elle a été agrandie, réparée et achevée. En effet, la période des Muzaffarides était l’apogée de Narin Qaleh. Après, avec la chute des Muzaffarides et l’attaque de Tamerlan qui a détruit les fortifications, elle a perdu de sa grandeur.
Cohan-dej (Narin Qaleh) de Meybod se situe sur le plus haut tertre de la ville à une hauteur de 25 mètres. Celui-ci a une forme allongée. La citadelle a une position stratégique. Elle domine tous les quartiers de la ville. D’où c’est en fait le toit de la ville. C’est un ovale irrégulier d’une superficie d’environ 4 hectares. Elle s’élève sur 5 étages, entourée de murs épais et communicants. L’ensemble se sépare de l’extérieur par un fossé et une imposante tour de guet.
Le bâtiment se fonde sur une colline argileuse. Au fil des siècles, une partie de Cohan-dej (Narin Qaleh) de Meybod s’est écroulée, faisant partie finalement de la colline. Les matériaux utilisés sont des briques séchées au soleil. Ils les fabriquaient à partir d’argile mélangé à de paille hachée ou à d’autres fibres comme la poile des chèvres. Il y a des meurtrières, des créneaux su sommets des murs. G.râce à ces divers dispositifs militaires défensifs, il était possible de défendre la ville.
Un élément intéressant du Cohan-dej (Narin Qaleh) de Meybod est le fossé profond qui l’entourait. Lors des attaques, pour empêcher l’avance de l’ennemi, on le remplissait d’eau. Transformé en jardins de grenades et de raisin, une grande partie du fossé reste encore intacte. Ce qui est très rare. Malheureusement, en 1960, l’urbanisation moderne et de la construction d’une rue a détruit une partie de ce fossé.
En général, 4 murs concentriques entourent Cohan-dej (Narin Qaleh) de Meybod. Le premier se trouve à côté du fossé. Une certaine distance sépare le premier mur du deuxième. Ceci retard l’avancée de l’ennemi qui se trouvait à découvert dans cet espace. Ensuite, derrière le deuxième mur se trouve une cour intérieure et le lieu d’habitation et de refuge du peuple. La troisième enceinte et la quatrième protègent la citadelle du gouverneur et le trésor.
Les bâtisseurs y ont appliqué un système qui permet la communication entre de nombreuses chambres. Actuellement, peu de chambres communicantes restent visibles où on peut accéder. Mais plusieurs restent inaccessibles à cause de l’effondrement des corridors.
La porte principale de Cohan-dej (Narin Qaleh) de Meybod, située à l’ouest, lie la citadelle à la ville. Un système très ingénieux permettait de transformer la porte en pont afin de franchir le fossé, si l’accès était autorisé. Au contraire, on relevait la porte pour bloquer l’entrée en cas d’attaque. Il s’agissait en fait d’un pont-levis.
Cohan-dej (Narin Qaleh) de Meybod se compose de deux zones principales d’habitation: une partie supérieure et l’autre inférieure. La partie inférieure réservée au peuple, on y trouve une mosquée, des bains et d’autres commodités, endommagées, au fil du temps. La partie supérieure est connue comme l’espace réservé au gouverneur Elle commence à partir du troisième mur. Cette partie se contient des palais en trois étages avec un mouvement en spirale qui se termine au palais royale. Il s’appelait aussi palais. Selon certains récits et des découvertes archéologiques, il y existe un système complexe et secret de voies souterraines.
L’entrée de certains de ces corridors est encore visible aujourd’hui. Les dimensions de ces couloirs étaient si importantes que du bétail pouvait y passer avec son chargement. Selon des récits locaux, un de ces corridors souterrains allait de la citadelle au moulin de pierre noire. Ce moulin se trouvait à 2 km de loin.
En creusant des puits, il n’y avait pas de problèmes liés à l’eau. Quelques puits se trouvent dans différentes parties de Narin Qaleh. Leur margelle est carrée. Dans le dialecte de Yazd, on les appelle «Tchah gauri» ou «Gabri». Ce qui veut dire que les premiers zoroastriens les avaient creusés. Donc, ils remontent à l’époque préislamique.
Cohan-dej (Narin Qaleh) de Meybod, cette splendide ville-forteresse désertique n’a pas encore livré tous ses secrets. Elle est inscrite au patrimoine national de l’Iran et elle accueille les visiteurs à bras ouverts.