Le caravansérail est un témoin de l’Histoire et du passage des hommes sur les routes mystérieuses de la Perse… Quel que puisse être le motif du voyage, il est évident que voyager ne peut qu’être bénéfique pour le cœur et l’esprit.

Qu’ils soient commerçants, aventuriers ou bien encore savants et étudiants, le voyage est pour les Perses intrinsèque à leur culture. Les noms du philosophe, historien et poète persan Nasser Khosrou et du poète Saadi résonnent tout au long  des 2400 kilomètres de la Route royale reliant Suse à Sarde.

La conjonction des caravansérails leur permit d’être bien plus que de simples infrastructures routières. les Perses sont reconnus comme les premiers créateurs des réseaux postaux, sous Darius 1er. Les caravansérails sont les  témoins des relations commerciales entre l’Orient et l’Occident sur la Route de la Soie.  La construction des caravansérails, accélérée par l’arrivée de l’Islam, permirent aux voyageurs des quatre coins du monde de se rencontrer.

La façade d'extérieur du caravansérail

Façade extérieure d’un caravansérail

Pourquoi des caravansérails ?

Le voyage est pratiqué en Iran depuis très longtemps. Les motifs les plus importants étaient : la découverte de régions ou pays lointains, l’esprit d’aventure, les pèlerinages, le commerce ou même la nécessité de trouver des lieux plus sûrs pour avoir une vie paisible. Ce lieu s’appelle caravansérail.

Il est clair que le fait de voyager, malgré les contraintes, permet de sortir de son milieu, de découvrir d’autres horizons et par là même de communiquer avec d’autres personnes. Ceci ne peut qu’être bénéfique et ouvrir l’esprit. Mais tout voyage nécessite une certaine infrastructure et une réglementation pour assurer la protection des voyageurs.

Autrefois, les voyages n’étaient jamais simples. La réglementation en vigueur concernant les déplacements seuls ou en groupe était plus ou moins respectée. Voyager en groupe réduisait les risques, les soucis et donc les difficultés. Il fallait avoir plus ou moins de moyens financiers, on pouvait rencontrer des bandits de grand chemin, des animaux sauvages etc…Voyager  nécessite quelques points essentiels : avoir de bonnes routes, avoir accès à l’eau et disposer de lieux convenables pour se loger.

Le mot « caravane » est-il un mot iranien ?

L’origine du mot kârwân (caravane) est Karban qui signifie troupe de voyageurs. En effet, un groupe de marchands se réunissait et ils constituaient ensemble une caravane pour se protéger des attaques de bandits. Ainsi, le chef de la caravane (Kârwânsâlâr) planifiait le déplacement, il décidait de la date du départ, des arrêts à prévoir et il choisissait aussi une route sûre. Pour ce faire, il tenait compte aussi du nombre de voyageurs et du type de clientèle. Tout se faisait donc selon un processus bien organisé.

Intrinsèque à la culture iranienne, le voyage se conçoit selon plusieurs motifs : découverte de régions ou pays lointains, esprit d’aventure, pèlerinages, commerce… Tout voyage nécessitant une certaine infrastructure, les caravansérails accueillaient les voyageurs au terme de longues journées éreintantes.

les voyageurs et les raisons du voyage

Une fois le voyage décidé, les jârchis (les crieurs publics) annonçaient la date retenue, les étapes prévues et les villes traversées. Ainsi, les voyageurs intéressés par le circuit se présentaient au kârwânsâlâr pour obtenir une place au sein de la caravane. Ce pouvait être aussi des pèlerins ou des petits commerçants qui souhaitaient entreprendre ce voyage.

Bien que les commerçants formaient le groupe dominant, il y avait aussi d’autres catégories de voyageurs comme des historiens, des chercheurs ou des étudiants (en théologie ou dans d’autres matières) qui se joignaient à la caravane. Ils voyageaient, malgré les difficultés, pour se rendre chez des sages ou aller dans diverses écoles.

La cour d’intérieur du caravansérail

Cour intérieure d’un caravansérail

 

les premiers voyageurs

On peut mentionner le nom de personnes comme Nasser Khosrou et Saadi, qui furent, de fait, les premiers touristes iraniens. Nasser Khosrou, philosophe, historien et poète persan (1004-1074 ap. J-C), nous a raconté l’histoire de son long voyage. Partant pour un simple pèlerinage à La Mecque, il fit la connaissance d’autres savants et il prolongea son voyage durant 7 ans. Saadi (1189-1292 ap. J-C) a entrepris à deux reprises de longs voyages, passant par des pays comme l’Irak, l’Arabie, la Syrie, l’Egypte, l’Asie centrale et l’Inde. Il a même été fait prisonnier pendant des croisades. A la suite de ces expériences, au retour, il a rédigé deux chefs-d’œuvre de la littérature persane : le Gulistân (Le Jardin des roses) sous forme de poèmes, dont le thème est l’amour et le Bustân (Le Verger) en prose avec pour thème la morale.

Il ne faut pas oublier les pèlerins qui étaient la clientèle la plus importante parmi les voyageurs. Leur destination privilégiée était la Mecque. Mais à partir de l’époque safavide, les routes vers les villes saintes des Chiites comme Kerbala, Najaf et Damas, virent aussi une forte fréquentation par les caravanes.

La préparation du voyage et les moyens de transport

L’itinéraire du voyage étant déjà précisé, la date du départ déclarée, le Kârwânsâlâr s’occupait alors des démarches administratives. On voyageait souvent avec des animaux tels que le dromadaire, le cheval ou le mulet. Le cheval s’utilisait plutôt pour transmettre des messages urgents ou par des gens aisés ou par ceux dont le motif du déplacement était urgent.

Mais le dromadaire s’utilisait plus que les autres animaux. Il supportait bien la chaleur et ne causait pas de frais énormes de nourriture. Donc, il était prioritairement utilisé par les caravaniers, ceux-ci s’en servaient aussi pour transporter les femmes ou les personnes ayant des difficultés pour se déplacer.

Les routes passant souvent par des régions difficiles à franchir, l’importance des haltes et des dispositions de ressources comme l’eau et la nourriture n’était plus à démontrer. Les pouvoirs locaux bâtissaient des logements sur les routes, à intervalles plus ou moins réguliers.

Les conditions du voyage réunies, il ne restait plus qu’à mettre au point le programme. Ceci nécessitait de la part du chef caravanier (kârwânsâlâr) une bonne connaissance des lieux de logement, les caravansérails (kârwân-sarây), tout au long du trajet. Les routes passaient souvent par des régions difficiles à franchir, d’où l’importance des haltes, aspect particulièrement important du voyage. Il fallait également respecter la durée prévue et assurer la sécurité tout au long du trajet.

Pour cette raison, des khans (pouvoirs locaux) bâtissaient des logements sur les routes, à intervalles plus ou moins réguliers qui constitueront les futurs kârwân-sarây (caravansérail), mot composé de kârwân (caravane) et sarây (palais, grande maison, cour). Nous en reparlerons dans la dernière partie.

L'entrée monumentale du caravansérail

L’entrée monumentale du caravansérail

La double utilisation des caravansérails

Les relais de poste : premiers caravansérails royaux

Les relais de poste furent les lieux de logement les plus anciens de l’empire perse. L’étendue de cet empire exigeait le développement d’un réseau routier. Les Perses sont d’ailleurs, comme les premiers à avoir créé la poste. Darius1re (520-485 av J.-C.), le troisième roi des Achéménides, a établi ce système de communication pour transporter les ordres royaux, les lettres et les colis dans toutes les régions de son empire afin de gérer les affaires administratives. Ce système était composé de postiers rapides (tchâpaâr) et de relais de poste (tchaparkhâne). Ces derniers permettaient ainsi aux postiers ou messagers de se reposer et de changer de chevaux. Ils furent à l’origine des caravansérails.

La transmission des messages royaux se faisait régulièrement. « Rien ne devait empêcher la transmission des messages, ni le chaud, ni le froid, ni la nuit sombre », nous dit Darius 1re.  Hérodote nous confirme que rien n’était plus rapide que les messagers perses. Pour lui, le fait d’avoir 111 relais de postes tout au long de la Route royale (2400 km de Suse à Sarde), tous en bon état, permettait d’assurer un degré de sécurité élevé et l’assurance que les dépêches arriveraient à bon port.

Aujourd’hui, il ne reste que quelques ruines qu’il est d’ailleurs très difficile d’identifier. A Meybod, dans la province de Yazd, un caravansérail datant du 19ème siècle a été restauré. C’est le prototype le plus remarquable de relais de poste en Iran, il est devenu le musée de la Poste. Il fut inscrit en 2000 sur la liste sur la liste du patrimoine national. C’était un lieu d’archivage des dépôts et des lettres de l’Etat. Son architecture se caractérise par des fortifications entourées de tours de guet.

Du relais de poste au premier caravansérail

A l’époque des Parthes, le développement des relations commerciales entre l’Orient et l’Occident sur la Route de la Soie fut une période d’essor des caravansérails. Sous les Sassanides, la construction de ces auberges routières prit encore de l’ampleur. Le caravansérail de Deir-e Gachin qui se trouve sur la route entre Rey et Ispahan en est un bon exemple. Il a été restauré à l’époque des Safavides au 17ème siècle et ensuite sous la dynastie qâdjâr au 19ème siècle.

 

Les chambres individuelles du caravansérail

Les chambres individuelles du caravansérail

L’arrivée de l’islam va accélérer la construction des caravansérails. Le caravansérail de Robat-e Sharaf au nord-est de l’Iran remonte à l’époque seljukide. Mais l’âge d’or de la construction des caravansérails est l’époque safavide. L’idée de développer le commerce intérieur et extérieur nécessitait un système routier développé. Le commerce, à cette période, était très prospère. Ainsi les rois safavides, surtout Shah Abbas 1er, ont rénové les anciens caravansérails et en ont édifié de nouveaux très nombreux.

Reconnus comme les premiers créateurs des relais postaux, les Perses furent contraints par l’étendue de leur empire d’innover et de construire des réseaux de communications efficaces et adaptés. Fondé sous le règne de Darius 1er, ce système de caravansérails s’accélérera après l’arrivée de l’Islam.

Le  caravansérail Abassi à Meybod en est  l’exemple le plus important et le plus somptueux. Situé sur la route principale reliant Yazd à Ispahan, on trouve à côté une citerne, un relais de poste, une glacière et surtout le passage d’un qanat.

Les différents types de caravansérails

Le caravansérail était l’un des bâtiments qui se trouvait sur la route des voyageurs. Son rôle dépassait celui d’un simple lieu permettant de se loger. Les voyageurs des quatre coins du monde s’y réunissaient, non seulement pour échanger leurs marchandises, mais aussi leurs opinions et leurs pensées. De fait, il était un média dont le rôle était de propager les nouvelles. Celui-ci était aussi une forteresse routière où mettre en sécurité les biens des voyageurs jour et nuit. Le chef de caravane (le kârwânsâlâr) se devait donc de faire en sorte que les voyageurs arrivent avant le coucher du soleil.

L’architecture et la taille sont les deux critères de classification de ces bâtiments. Ainsi, on peut distinguer trois types de caravansérails urbains et sur les routes.

Se trouvant sur la route des voyageurs, les caravansérails jouaient un rôle dépassant le simple logement : lieux de rencontres, ils permettaient l’échange des idées aussi bien que celui des marchandises. Vestiges d’un autre temps, ils témoignent du passage des hommes.

Sabat, un simple caravansérail

Le sabbat est le genre le plus simple. Il offrait peu de facilités aux voyageurs et convenait pour de courtes haltes. Il était situé hors des villes et surtout sur les routes principales des trajets choisis par les caravanes, il était construit à 20 m sur le côté des routes. C’était une construction couverte au plan assez simplequi servait à se reposer. Quelquefois, il y avait aussi une citerne à côté. Plusieurs sont détruits et il n’en reste presque rien.  Le mot sabbat est composé de deux parties : « sa » qui signifie en persan âsâyesh (le confort) et « bat » qui signifie le bâtiment.

 Les remparts naturels, un des moyens d'assurer la sécurité des caravansérails

Les remparts naturels, un des moyens d’assurer la sécurité des caravansérails

Le robât, un caravansérail dans les villes

Le robât est le second type de caravansérail. Il se trouvait hors des villes. Le plan architectural consistait en une cour centrale entourée par une série de chambres. Souvent, il y avait une citerne ou un bassin. C’était un lieu de logement pour une ou deux nuits.

Le caravansérail au désert bien fortifié

Caravansérail fortifié dans le désert

Sérail, un caravansérail dans le bazar des villes

Le caravansérail de troisième type se trouvait à l’intérieur et à l’extérieur d’une ville. Celui qui se trouvait à l’intérieur de la ville et dans le complexe du bazar était nommé Khan ou Sarây comme celui de Sâray-e Ganjali khân à Kerman ou celui de Sâray-e Yazir à Qazvin. Le plan du caravansérail pouvait être carré ou rectangulaire.  Son grand portail était imposant. Autour de la cour centrale, des terrasses donnaient accès à des petites chambres destinées au logement des voyageurs. Les iwans sur les quatre côtés de la cour conféraient aux façades un aspect symétrique. Dans les caravansérails construits avec deux étages, les chambres inférieures étaient destinées à stocker les marchandises et celles du haut servaient à héberger les voyageurs. Les animaux étaient parqués dans les écuries ou aux quatre coins de la cour. On les attachait alors à des anneaux de fer dans la cour centrale.

Le caravansérail en plein désert

Caravansérail en plein désert

Une citerne située au centre de la cour ou un puits donnaient accès à l’eau. La plupart des caravansérails de l’époque safavide étaient construits avec 4 iwans : l’un pour la réunion temporaire des voyageurs, celui en face de l’entrée était le lieu réservé aux chefs des caravanes (kârwânsâlâr), un autre servait de lieu de prière (mosquée) et le dernier permettait aux voyageurs de se rencontrer.

L’architecture des caravansérails

La structure et l’architecture des caravansérails reflétaient l’architecture dominante de la région où ils se trouvaient. Par exemple, les caravansérails des régions montagneuses étaient entièrement couverts et clos. Mais  ceux du Golfe Persique n’avaient pas de cour centrale. Mais les caravansérails les plus beaux en possédaient une, carrée ou rectangulaire ou même circulaire, avec deux ou quatre iwans. Les matériaux utilisés étaient la pierre et la brique, mais les façades intérieures et extérieures étaient souvent couvertes de brique ou de pisé.

 

La tour de guai , pour veiller la sécurité du caravansérail

Tour de guet, pour veiller à la sécurité du caravansérail

Pour la plupart des caravansérails, la façade extérieure et la porte de l’entrée étaient décorées. On peut mentionner le caravansérail de Robat-e Sharaf. C’est l’un des plus anciens et des plus beaux caravansérails, véritable chef-d’œuvre de l’architecture iranienne. Datant de l’époque des Seldjoukides (12ème siècle), cet édifice se trouve sur la route de la Soie, à 45 km de Sarakhs. Il  possède quatre  iwans et deux cours, l’une carrée et l’autre rectangulaire.