L’accord nucléaire et l’économie de l’Iran depuis 1921

 

L’économie de l’Iran sous le régime pahlavi

L’accord nucléaire de 2015 a provoqué un choc pour l’économie iranienne qui a subi des hauts et des bas depuis 1925. Le 22 février 1925, Reza Chah a déposé le dernier roi qâdjâr, Ahmad Chah, puis  il s’est fait couronner en 1926 sous le nom de Pahlavi. Sous son règne, l’Iran a subi des transformations profondes dans les domaines sociaux, politiques et économiques. Le règne de Reza Chah est marqué par des réformes économiques, à savoir la fondation de la première banque iranienne, la banque Sepah, le remplacement du gharan par une nouvelle monnaie, le rial, l’indépendance du système douanier et des réformes concernant les recettes du gouvernement iranien, en particulier celles du pétrole.

Celui-ci était considéré alors comme le plus important produit exporté du pays et entre 1921 et 1941, il jouait un rôle primordial dans le taux du crédit en devises nécessaires pour les programmes de reconstruction de Reza Chah. Pour améliorer les finances de l’Iran, il a annoncé en 1932 le retrait de toutes les concessions à l’Anglo-Iranian Oil Company. Finalement, un accord a été conclu, revu et corrigé en des termes plus favorables à l’Iran.

Visite de Reza Shah de la raffinerie d’Abadan

 

Les politiques de développement industriel menées par l’Etat, ont abouti à l’émergence d’une classe bourgeoise liée à l’Etat qui s’opposa au capitalisme industriel privé qui était très puissant. En outre, la féodalité dans les villages, les méthodes d’exploitation de l’Anglo-Iranian Oil Company et la Seconde Guerre mondiale furent les facteurs qui portèrent atteinte au capitalisme industriel et au développement de l’économie iranienne.

Les plans d’industrialisation d’Iran par Reza shah

 

En plus, le rapprochement avec l’Allemagne qui tenait alors le premier rang dans les échanges extérieurs de l’Iran, a favorisé la présence de nombreux techniciens allemands dans le pays. En août  1941, on en comptait plus de 2000.

La construction de voie ferrière en Iran

 

Durant l’été 1941, en pleine Seconde Guerre mondiale, les forces britanniques et soviétiques envahirent l’Iran. Reza Chah fut exilé à l’île Maurice, puis en Afrique du sud où il mourut, à Johannesburg, le 16 juillet 1944 et Mohammad Reza accéda au trône.

 

Après la guerre, des mouvements indépendantistes se sont développés à travers le monde et l’Iran ne faisait pas exception. Le 14 juillet 1946, le personnel iranien de l’industrie pétrolière du Khouzistan a déclenché une grève pour protester contre les politiques d’exploitation de la Grande-Bretagne à savoir celles de la concession d’Arcy. Les forces de police et celles de la sous-préfecture tuèrent 83 personnes, suite à la provocation de l’Anglo-Iranian Oil Company, ce qui déclencha une opposition populaire.

La raffinerie de Kermanshah

 

Le Dr. Mossadegh, chef du Front national et l’Ayatollah Kashani, chef de la révolte populaire, accompagnés de certains parlementaires et de membres du Fadayan-e Eslam dont le leader était Navvab Safavi, ont œuvré sans relâche pour la nationalisation de l’industrie pétrolière. Ils considéraient le général Ali Razmara, le premier ministre de l’époque, comme un obstacle à cette mesure. Le 7 mars 1951, il a été assassiné par un membre du Fadayan-e-Eslam et le Dr. Mossadegh devint Premier ministre.

Mosadegh dans la Cour La Haye

 

Par la suite, la nationalisation du pétrole fut décrétée le 8 mars 1950 à l’assemblé islamique d’Iran et le 20 mars de la même année, ce projet a été ratifié par le Sénat iranien. Ainsi, ce jour représente l’une des victoires les plus importantes des Iraniens pour la conquête de leur indépendance.

L’Ayatollah Kashani, chef de la révolte populaire

 

 

La Grande-Bretagne pensant alors l’Iran incapable de gérer l’industrie pétrolière, ordonna au personnel étranger de quitter l’industrie pétrolière d’Iran. Mais les techniciens patriotes d’Iran sont parvenus à prendre le relais et à faire tourner cette industrie. Ensuite, les Britanniques ont décidé de porter plainte auprès du tribunal international de La Haye. Mais le Dr. Mossadegh a défendu la nationalisation du pétrole et le tribunal lui a accordé gain de cause.

Durant les années 60, Mohammad Reza Chah a engagé «la révolution blanche», une série de réformes visant à moderniser son pays et à accroître sa puissance économique. Le 26 janvier 1963, les principaux éléments de cette  révolution ont été soumis à la population par référendum.

 

Les deux frères Khayami qui ont construit l’usine de Peykan , première voiture en Iran

 

Première machine à coudre en Iran

 

Parmi ces mesures, on trouve une réforme agraire remarquable. D’autres dispositions prévoyaient la nationalisation des forêts, la privatisation de certaines industries, le partage des profits au sein des entreprises, une campagne d’alphabétisation ainsi que le droit de vote et d’éligibilité aux élections pour les femmes. Bien que les Iraniens aient voté presque unanimement en faveur de ces réformes, les résultats escomptés ne furent pas atteints.

La réforme agraire

 

En 1973, suite à la quatrième guerre entre les Arabes et Israël, l’OPAEP a décidé de réduire chaque mois sa production de 5% pour qu’Israël fasse marche arrière. De plus, l’OPEP, en collaboration avec l’OPAEP, a déclaré le quadruplement du coût du pétrole, ce qui a contribué à la diminution de la quantité de pétrole sur le marché mondial, cela a provoqué un véritable boom inattendu sur le marché mondial.

 

Le Shah d’Iran était contre l’emploi du pétrole comme arme politique, il n’a donc pas participé à cette sanction. Finalement, un cessez-le-feu a pris effet le 25 octobre 1973 entre Israël et les Arabes.

La raffinerie d’Abadan

 

L’OPEP a décidé une nouvelle hausse du prix du pétrole qui a provoqué dans le monde occidental ce qui a été connu sous l’expression de «premier choc pétrolier». Celui-ci a contribué à ébranler l’économie des pays industrialisés qui importaient de grosses quantités de pétrole à des prix très bas. «Le deuxième choc pétrolier» datant de 1979 s’est produit à cause de la diminution de la production de pétrole, suite à la grève du personnel iranien de l’industrie pétrolière.

L’économie de l’Iran après la Révolution islamique de 1979

Depuis la Révolution islamique de février 1979, de nouvelles idées économiques se sont fait jour. En juin 1979, sous le gouvernement de Mehdi Bazargan, les banques, les compagnies d’assurances et les principales sociétés industrielles ont été nationalisées en vue de garantir le capital et les dépôts des gens. Au début de la Révolution islamique, les banques privées étaient proches de la faillite et la plupart des grands actionnaires du pays avaient quitté l’Iran. Ces mesures ont suscité des réactions positives chez les Iraniens à l’intérieur et à l’extérieur du pays.

 

Pendant la guerre de l’Irak contre l’Iran, le bilan était lourd pour l’Iran sur le plan économique. Cette guerre qui a duré huit ans, est considérée comme la plus longue guerre entre deux pays du Tiers Monde, après la Seconde guerre mondiale. Dans les dernières années de l’empire Pahlavi, l’économie de l’Iran reposait exclusivement sur les revenus pétroliers. La République islamique a réduit l’exportation du pétrole en vue de préserver les ressources et d’éviter ainsi la baisse des rendements des gisements de pétrole dans le futur et elle a soutenu l’OPEP pour augmenter le prix du pétrole.

Réouverture d’oléoduc après la révolution

 

Ces mesures avaient pour objectif la diminution de la dépendance de l’Iran par rapport aux revenus pétroliers. Mais la guerre déclenchée en 1980 a eu pour conséquence une dépendance accrue de l’économie iranienne aux revenus pétroliers. En 1979, bien que l’exportation du pétrole ait baissé et que les techniciens étrangers avaient quitté le pays, les revenus pétroliers ont augmenté d’environ 1 milliard de dollars par rapport à l’année précédente, ceci étant dû à l’augmentation du prix du pétrole. Mais pendant les deux premières années de la guerre, l’attaque par l’Irak des installations pétrolières dont la raffinerie d’Abadan et le manque d’armes et de matériel militaire pour protéger les puits, ont fait baisser le rythme de production de pétrole.

La raffinerie d’Abadan pendant la guerre

La raffinerrie de Tabriz pendant la guerre

 

En 1982, après la libération de Khorramshahr, les revenus pétroliers ont à nouveau augmenté. Mais, dans les années suivantes, la vente de pétrole a diminué jusqu’à ce que, en 1986, les indemnités de guerre et les revenus pétroliers se soient équilibrés. Durant les années 1987 et 1988, les indemnités de guerre ont dépassé les revenus pétroliers et l’Iran a accepté finalement le 18 juillet 1988 la résolution 598 de l’ONU et le cessez-le-feu est entré en vigueur le 20 août 1988.

Les années 1990 ont été celles des changements. L’Iran était sorti très affaibli de ce conflit et le gouvernement d’Ali Akbar Hashemi Rafsandjani, président de la République islamique d’Iran de 1989 à 1997, a pris des mesures pour reconstruire le pays.

L’industrie est renée après la guerre

 

La fabrication des voitures se poursuit après la révolution

 

Elles eurent pour résultat de diminuer le taux de chômage, de relancer la production intérieure, en particulier agricole avec la construction de barrages-réservoirs pour les usages agricoles et la mise en œuvre des techniques modernes d’irrigation (le goutte-à-goutte et l’aspersion), ce qui permit une hausse des exportations non-pétrolières.

En outre, Rafsandjani a obtenu des crédits des banques étrangères pour les projets de reconstruction, ce qui a par la suite obéré le budget du gouvernement, mais peut-être la mise en œuvre de ces projets n’était-elle pas possible sans cet argent.

L’usine des produits ménagers en Iran après la guerre   

 

Ensuite, en 1997, Mohammad Khatami a été élu président de la République islamique, il a été réélu et a exercé ses fonctions jusqu’en 2005. Considéré comme un président réformateur, il a fondé des banques et des assurances privées, il a fait exploiter des gisements de gaz à South Pars et il s’est efforcé d’équilibrer les taux de change. Parmi les déconvenues du gouvernement de Khatami, on peut citer le déficit budgétaire, suite à la chute du prix du pétrole due à la dépression des pays situés dans le sud-est de l’Asie et la hausse du taux de l’inflation.

Le développement de l’industrie de fabrication de voiture

 

Puis, le conservateur Mahmoud Ahmadinejad a été élu à la présidence de la République. Il a été président durant deux mandats à partir de 2005 .La politique égalitaire appliquée par Mahmoud Ahmadinejad s’est concrétisée par la distribution des actions intitulées «Egalité» aux couches vulnérables de la population iranienne. Le président a également mis en œuvre des réformes appelées «Subventions ciblées».

 

Le projet de la construction des logements au prix bas

 

Le soutien financier aux villageois     

 

Mais le déficit de la croissance économique, l’inflation et la hausse du taux de chômage sont les conséquences économiques de la politique suivie par ce gouvernement. En 2013, Hassan Rohani a été élu président de la République islamique d’Iran.

 

Les nouvelles installations pétrolières      

 

Au début de l’année 2017, il est parvenu à faire baisser le taux d’inflation à 8.9% (Contre environ 40 % en 2013, selon les statistiques officielles de la banque centrale d’Iran). Il a pris d’autres mesures à savoir l’augmentation des quantités de pétrole exporté, ce qui a permis d’obtenir des excédents et donc d’augmenter la croissance économique.

Les nouvelles installations d’exploitation du gaz

   

Les nouvelles cités pétrolières et produits pétrochimiques    

 

Le dossier nucléaire de l’Iran 

Si les États-Unis, à la tête du monde occidental, s’opposent aujourd’hui au programme nucléaire de l’Iran, il est très intéressant de rappeler que le programme nucléaire civil en Iran avait démarré de leur propre initiative en 1957. Alors que ce programme s’était matérialisé sous forme d’un contrat entre l’Iran et les États-Unis, intitulé «Atomes pour la Paix», ils reconnaissaient le droit de l’Iran d’utiliser l’énergie nucléaire à des fins civiles dans les domaines industriels, agricole et médical. Finalement, le 1er février 1959, cet accord a été ratifié par l’assemblée islamique d’Iran et a été suivi par la création d’un centre de recherche nucléaire à l’université de Téhéran dans le cadre d’un programme de recherches nucléaires grâce à un réacteur nucléaire de recherche offert par les États-Unis. Ce centre a été mis en service en 1967 sous le règne de Mohammad Reza Pahlavi.

En 1974, les activités nucléaires iraniennes ont connu un élan remarquable avec la création de l’Organisation de l’Energie Atomique de l’Iran (OEAI). Plus tard, en 1976, une organisation allemande s’est chargée de construire la centrale atomique de Boushehr mais en 1980, ayant fini 60% de la construction de celle-ci, ce projet a été stoppé. Ensuite, en 1994, l’Iran a signé un contrat avec la Russie afin de compléter le travail sur cette centrale partiellement construite de Boushehr.

 

Elle a été mise en service en 2010. Tout a commencé en 2002 avec les révélations d’un groupe d’opposition concernant le développement des armes nucléaires en Iran. L’Iran devait alors signer le protocole additionnel du traité de non-prolifération et suspendre ses activités d’enrichissement de l’uranium.

Dès 2003, avec l’intervention de trois grandes capitales européennes, Paris, Londres et Berlin, les négociations sur le nucléaire iranien ont pris un nouvel essor. En effet, une série de pourparlers ont abouti à deux compromis, connus sous le nom des accords de Saadabad (Téhéran) en octobre 2003, et de Paris en novembre 2004. A la demande des Européens, l’Iran a accepté de geler volontairement ses activités d’enrichissement, en échange de leur reconnaissance du droit au nucléaire iranien.

 

 

Les négociations de Sa’ad Abad

 

Après ces accords, l’Union européenne a proposé une résolution ratifiée le 26 novembre 2004, qui était en contradiction avec l’accord de Paris. Sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad, l’Iran a relancé le programme d’enrichissement d’uranium à Ispahan. Cette décision provoqua l’examen du dossier nucléaire de l’Iran par le Conseil de sécurité de l’ONU. Ahmadinejad menait une politique plus active contre les pays occidentaux en comparaison avec Khatami. A l’époque, face à la poursuite insistante du programme nucléaire iranien, des sanctions économiques et commerciales plus lourdes ont été décrétées contre l’Iran

L’installation de nouvelles centrifugeuses

 

Sous la présidence de Rohani, le ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, s’est efforcé de sauver l’Iran de la crise économique due aux sanctions qui pesaient sur l’économie iranienne. En 2013, les pays du groupe «5+1» (France, Royaume-Uni, Russie, Chine, États-Unis et Allemagne) se sont réunis et les négociations se sont poursuivies entre les puissances occidentales et l’Iran sur le dossier nucléaire. Ces négociations ont eu pour résultat l’accord conclu à Vienne le 14 juillet 2015 entre l’Iran et les pays du groupe des «5 + 1».

 

Cet accord prévoit la levée progressive des sanctions pesant sur l’Iran. En échange, l’Iran promet une réduction de deux tiers du nombre de ses centrifugeuses pendant dix ans, il accepte la mise en place d’inspections sur ses sites nucléaires et une enquête sur son programme nucléaire passé. En plus, l’Iran ne peut enrichir l’uranium qu’à 3,67% pendant quinze ans. Les stocks d’uranium enrichi sont strictement limités. L’Iran doit diminuer le taux d’enrichissement de 95% de son stock actuel d’uranium. Le réacteur de la centrale à eau lourde d’Arak doit être modifié sous le contrôle du groupe des «5 + 1» et de l’AIEA pour ne pas pouvoir produire du plutonium à vocation militaire. Cet accord a suscité des réactions positives et négatives dans les différents pays. Parmi les avantages de cet accord, on peut citer: la récupération des dollars bloqués, la rénovation de la flotte aérienne et l’introduction de nouvelles technologies dans les secteurs de production.

 

Depuis la mise en œuvre de l’accord nucléaire de 2013, l’Iran est entré en négociation avec 29 sociétés pétrolières du monde pour mener à bien ses projets. Total, qui a quitté l’Iran en 2012, revient en Iran en 2016 et a signé un accord en vue du développement et de l’exploitation d’un important champ gazier situé dans le Golfe. Les négociations continuent et se concrétisent dans de nouveaux contrats présentés par le ministère du pétrole iranien à d’autres sociétés pétrolières. En plus de Total, d’autres compagnies sont en lice dont l’anglo-néerlandais Shell, l’italien ENI, les russes Gazprom et Lukoil. Des compagnies australiennes, japonaises et chinoises sont également sur les rangs.

L’entrée en vigueur de cet accord nucléaire et la levée d’une partie des sanctions internationales a ouvert le commerce et développé les échanges de l’Iran avec le monde occidental précisément. Donc, le deuxième mandat de Rohani commencé depuis le 19 mai 2017, suscite des espoirs chez les Iraniens qui espèrent pouvoir profiter des bons résultats économiques liés à l’accord nucléaire et bénéficier de meilleures conditions de vie.

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